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L'ONG témoigne de l'effondrement du système de santé à Anse-à-Pitres où arrivent quotidiennement des familles expulsées
ANSE-À-PITRES, Haïti — L'organisation médicale internationale ALIMA tire la sonnette d'alarme sur la situation sanitaire catastrophique dans le Sud-Est haïtien, où l'afflux quotidien de familles déportées de République dominicaine aggrave une crise humanitaire déjà critique.
La petite ville frontalière d'Anse-à-Pitres est devenue un point de convergence dramatique où "des dizaines de familles arrivent chaque jour, contraintes d'abandonner leur vie avec peu plus que quelques sacs de fortune", selon le témoignage d'ALIMA. Parmi ces déportés figurent des femmes enceintes, des mères allaitantes et de jeunes enfants, arrivant "épuisés, affaiblis et malades" dans une région où le système de santé s'effondre.
Le Dr Ganda, coordinateur médical d'ALIMA en Haïti, illustre cette tragédie à travers le cas de Marie-Ange, déportée quelques jours avant son accouchement. "Sa condition était critique : le bébé montrait des signes de détresse, et sa vie, ainsi que celle de sa mère, étaient en danger." Seule l'intervention rapide d'ALIMA et la présence fortuite d'un gynécologue d'État ont permis de sauver mère et enfant par césarienne.
Cette histoire révèle les défaillances structurelles du système. À l'hôpital d'Anse-à-Pitres, "il n'y a que deux sages-femmes pour recevoir toutes les femmes", explique le Dr Ganda. Le gynécologue du ministère de la Santé, présent quelques semaines, a depuis quitté son poste, illustrant la fuite des professionnels de santé.
Deux semaines plus tard, Guerline, également en fin de grossesse, a nécessité un transfert vers une clinique privée pour une césarienne d'urgence. Si sa famille a pu assumer le coût "très élevé" de l'intervention, celle-ci reste "hors de portée pour la plupart des déportés, déjà confrontés à l'extrême pauvreté, ainsi que pour de nombreux résidents de cette région".
ALIMA, présente dans le Sud-Est depuis avril 2025 après son installation à Port-au-Prince en avril 2024, a étendu ses opérations face à l'ampleur des besoins. L'organisation renforce les capacités obstétricales locales par le recrutement d'un gynécologue-obstétricien et d'un infirmier anesthésiste, et par l'équipement d'une banque de sang fonctionnelle.
Les défis sont considérables. "Certains n'ont pas de médicaments, l'équipement est très limité, et il n'y a plus de travailleurs de la santé. Dans certains centres, la seule solution est d'utiliser l'eau de pluie, en raison de l'absence de système d'approvisionnement en eau", détaille le Dr Ganda.
Cette situation s'inscrit dans un contexte plus large où "la crise sécuritaire tendue de Port-au-Prince s'est étendue à travers le pays, particulièrement dans le Sud-Est", qui accueille déjà plus de 100 000 déplacés internes et est fortement affecté par la malnutrition.
Les équipes d'ALIMA offrent des soins gratuits aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants de moins de cinq ans, particulièrement ceux souffrant de malnutrition, ainsi qu'un soutien psychologique et psychosocial aux personnes traumatisées par le déplacement.
L'organisation se prépare également aux urgences à venir, les risques d'épidémies, notamment de choléra, constituant "une menace réelle pendant la saison cyclonique". Cette préoccupation est justifiée compte tenu des conditions d'hygiène précaires dans les camps de déplacés et de l'accès limité à l'eau potable.
Pour ALIMA, "tous les éléments sont présents pour qu'une crise sanitaire majeure se déploie dans la région". L'organisation appelle à davantage de soutien pour "préserver ce qui reste et reconstruire ce qui n'est plus", soulignant que son travail aux côtés du ministère de la Santé publique et de la Population est "vital pour prévenir une crise sanitaire majeure".
Cette alerte d'ALIMA s'ajoute aux préoccupations croissantes de la communauté humanitaire internationale sur la dégradation de la situation dans les régions frontalières haïtiennes, où se concentrent les effets combinés de l'instabilité interne et des politiques migratoires régionales.