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La FASCH m’a tout appris !

L’auteur partage son parcours à la FASCH, ses défis, réussites et rencontres marquantes, soulignant l'impact sur sa vie.

Table des matières

Dans ce témoignage, Louis-Kenson Blaise partage son parcours à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti, retraçant ses premières années marquées par des défis personnels, la découverte de la sociologie, et la fierté d'intégrer cette institution prestigieuse. Il évoque également les professeur·e·s et camarades qui ont marqué son expérience, ainsi que l'impact profond de la FASCH sur son développement académique et personnel.

De 2010 à 2015, durant ma fréquentation de la Faculté des Sciences Humaines (FASCH), j'ai vécu une expérience humaine et d'apprentissage formidable dans cet espace de production de savoir scientifique. À l'occasion du 51e anniversaire de cette entité de l'Université d'État d'Haïti (UEH), il est important pour moi de partager cette expérience qui a façonné ma vie, ma vision du monde et mon caractère, une expérience que je ne saurais ni oublier ni taire malgré le temps et les circonstances.

Mon histoire avec la FASCH a commencé bien avant mon intégration en octobre 2010. Je me souviens de janvier 2006, lorsque mon grand cousin m'a demandé de l'accompagner pour obtenir des informations sur le 2e concours d'entrée de la FASCH, qui organisait alors deux concours par an, l'un en octobre et l'autre en mars. J'avais seulement 16 ans et étais en seconde. Je n'avais pas vraiment d'idée sur l'université et je ne savais même pas qu'il fallait apprendre une profession après le baccalauréat.

En arrivant à la Faculté avec mon cousin, j'étais émerveillé par cet endroit. C'était avant le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010. Le grand bâtiment, entouré d'arbres, conférait à cet espace une énergie captivante. Sans réfléchir, j'ai déclaré à mon cousin que j'aimerais venir étudier ici après mes études. Il a répondu : « C'est possible, car tu aimes les belles lettres. » Après avoir pris les informations, nous sommes repartis. J'étais vraiment heureux, car c'était la première fois que je foulais le sol d'une institution d'enseignement supérieur.

Mon cousin a participé au concours, mais il n'a pas eu le temps d'en connaître les résultats, car il a trouvé une autre opportunité pour partir étudier la médecine à Cuba. Apprendre qu'il ne fréquenterait plus la FASCH m'a un peu attristé, car sa présence aurait pu m'aider à rester connecté avec la Faculté, mais cela n'a pas détruit mon rêve. Je ne manquais jamais une occasion d'en parler avec mes amis lycéens. Partout, chaque fois qu'on me demandait ce que je comptais étudier après le lycée, je disais que je voulais aller à la FASCH, sans même savoir ce qui y était enseigné.

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Les années passaient, et mon intention restait la même. Cependant, je ne savais toujours pas quelles disciplines étaient enseignées à la FASCH. En 2009, alors que j'étais en classe de philosophie, des étudiants de la FASCH sont venus au Lycée Jacques 1er de la Croix-des-Bouquets pour une enquête. Cela a été déterminant, car j'ai découvert les disciplines enseignées : sociologie, psychologie, communication sociale et travail social. Cette découverte m'a amené à choisir rapidement la sociologie.

Après cette enquête, une fois rentré chez moi, j'ai commencé à dire à mes parents que je voulais étudier la sociologie à la FASCH. Pour eux, c'était une mauvaise idée, car ils me voyaient plutôt comme un ingénieur, un agronome ou un médecin. Ils m'ont même dit que les étudiants de la FASCH passaient leur temps à bloquer les rues et à créer du désordre sur l'Avenue Christophe, donc il était hors de question que j'intègre la FASCH, encore moins la Faculté d'Éthnologie (FE) où l'on enseigne aussi la sociologie.

J'ai passé le baccalauréat, et mes parents étaient catégoriques : pas question d'aller à la FASCH. Je n'avais pas d'autre choix, car c'étaient eux qui avaient le dernier mot à l'époque. Sous la pression qu'ils me mettaient, et avec une totale démotivation, j'ai été contraint de m'inscrire à la Faculté d'Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV). Pour être clair, ce n'était pas mon choix, mais celui de mes parents. Heureusement, je n'ai pas réussi le concours d'entrée à la FAMV. Ils se sont alors retrouvés dans une impasse, réalisant qu'ils étaient en grande partie responsables de mon échec, car je n'avais aucune motivation pour intégrer la FAMV.

Pour ne pas rester inactif durant l'année académique 2009-2010, ils ont finalement accepté que je participe au concours d'entrée de la FASCH pour la session de mars 2010. J'avais retrouvé ma motivation et m'étais mis au travail. Je lisais beaucoup et suivais l'actualité pour me préparer au concours. À l'époque, je payais pour utiliser un cybercafé afin de rechercher des informations sur Internet. Le 12 janvier 2010, lorsque le séisme a frappé le pays, j'étais allongé dans mon lit avec mon petit cahier de notes que j'utilisais pour relever des informations pertinentes pour le concours.

En courant pour quitter la maison, j'avais le cahier en main. Je suis tombé dehors, mais je n'ai pas lâché ce petit cahier, dont certaines pages étaient trouées par le contact avec le sol. En apprenant les dégâts causés par le séisme, mon inquiétude était d'abord de savoir si la FASCH allait pouvoir organiser le concours. Il n'a pas pu avoir lieu en mars 2010, mais il a finalement été organisé en novembre. J'ai participé au concours et j'ai réussi à intégrer la FASCH. Pour moi, c'était une victoire, même si pour mes parents, cela n'était pas forcément le cas.

J'ai commencé à suivre les cours en décembre 2010 avec beaucoup de fierté. À la FASCH, j'ai appris à réfléchir, à (dé)construire des idées, à critiquer et surtout à lire et à écrire dans le vrai sens du terme. J'ai passé quatre ans à la FASCH et soutenu mon mémoire de licence en sociologie en décembre 2015. Pour moi, malgré les belles expériences qui ont suivi, cette période a été l'une des plus enrichissantes de ma vie, tant sur le plan académique que relationnel. À la FASCH, j'ai rencontré des personnes avec qui je garde encore de très bonnes relations et que je considère comme des frères. Je ne veux pas citer trop de noms pour éviter la jalousie, mais je ne peux m'empêcher de mentionner Ecclésiaste Étienne, Johny Gene, Abram Bélizaire et James Philippe Michel.

Certains professeurs ont vraiment marqué mon passage à la FASCH et ont façonné ma vision et ma compréhension du monde. Parmi de nombreux bons enseignants, il n'est pas facile de citer des noms, mais je n'oublierai jamais Roland Bélizaire, Chenet Jean-Baptiste, Sauveur Pierre Étienne et les regrettés Jean Renol Élie et Michel Hector. Il est vrai que j'ai fréquenté plusieurs universités et facultés en Europe, mais aujourd'hui encore, ma première pensée en matière d'enseignement supérieur va d'abord à la FASCH.

En 2021, de retour au pays après des études de spécialisation en France, c'était un honneur pour moi de pouvoir mettre mes connaissances et compétences au service de la FASCH dans un contexte d'insécurité croissante. J'ai passé trois ans à enseigner la sociologie politique à la FASCH, et c'était pour moi une façon de rendre à la communauté une partie de ce qu'elle m'a donné. Pour diverses raisons, je n'ai pas pu continuer ce cours, mais j'espère qu'un jour je pourrai revenir, car la vie n'est qu'un éternel retour, selon Nietzsche et Milan Kundera. Après toute cette fructueuse expérience, il ne me reste qu'une question à poser à la FASCH : « Que serais-je sans toi ? », pour reprendre le titre d'une chanson de Jules Ferrat.

Louis-Kenson Blaise
Florida, 25 mai 2025

Louis-Kenson Blaise est sociologue et juriste spécialisé en droit international des droits de l’homme. Enseignant à l’Université de la Fondation Dr Aristide (UNIFA), il a également été chargé de cours en sociologie politique à la Faculté des sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti. Sur le terrain, il a occupé plusieurs postes stratégiques au sein de Médecins Sans Frontières (MSF), notamment chef de mission support et responsable de la diversité, de l'équité et de l'inclusion. Il est titulaire d’un master en droit international des droits de l’homme de l’Université Grenoble Alpes et a suivi une formation spécialisée en justices transitionnelles à l’Université libre de Bruxelles.

 

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