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« La question de la double rançon imposée à Haïti par la France au XIXe siècle demeure l'une des pages les plus douloureuses de l'histoire nationale » : le comité planifie deux colloques scientifiques et une enquête nationale
PORT-AU-PRINCE — Le Comité National Haïtien de Restitution et de Réparation (CNHRR) a tenu samedi 15 et dimanche 16 novembre sa première retraite de travail pour élaborer « une stratégie d'action cohérente et ambitieuse ». Au terme de ces deux jours de réflexions, le comité présidé par le Recteur de l'Université d'État d'Haïti, Dieuseul Prédélus, a adopté une feuille de route pour 2026 articulée autour de onze axes d'intervention conjuguant « éducation, recherche, mobilisation sociale et diplomatie ».
Le document, intitulé « Feuille de Route 2026 », rappelle que « la question de la double rançon imposée à Haïti par la France au XIXe siècle demeure l'une des pages les plus douloureuses de l'histoire nationale et constitue un enjeu majeur de justice historique et de réparation ». En 1825, la France a exigé d'Haïti le paiement d'une indemnité de 150 millions de franc-or « (réduite ensuite à 90 millions) en compensation de la perte de sa colonie et des propriétés des colons, somme que la jeune République a dû emprunter auprès de banques françaises à des taux usuraires — d'où l'expression 'double rançon' ». Ce fardeau financier, « remboursé pendant plus d'un siècle, a gravement hypothéqué le développement économique, social et institutionnel d'Haïti », selon le texte.
Le CNHRR a adopté son plan d'actions annuel et mis en place ses structures de travail comprenant « son conseil exécutif, les 8 sous-groupes de travail ». Les membres du Comité « se sont répartis dans les différents sous-groupes de travail portant sur les différents aspects de la question des restitutions et réparations ». Le comité entreprendra des démarches de plaidoyer et de collaboration avec le Ministère de l'Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle « pour une révision des contenus et des manuels d'Histoire d'Haïti en ce qui concerne les faits et événements associés à la double rançon d'Haïti vis-à-vis de la France ».
Le CNHRR cherchera également « la collaboration de l'UEH et d'autres institutions de l'enseignement supérieur public pour introduire dans les épreuves de Culture Générale des concours d'entrée des différentes Facultés des Sciences Humaines et Sociales certaines questions sur la double rançon ». Le comité organisera, « pendant toute l'année, des activités d'information et de sensibilisation de la population à travers des conférences publiques (physiquement) et des webinaires (virtuels) dans les différents départements géographiques du pays ».
Une enquête nationale sera « en ce sens, conduite dans toutes les communes du pays, par une équipe de chercheurs d'un laboratoire de recherche de l'UEH, afin de recueillir les avis, opinions et réflexions des citoyennes et citoyens haïtiens de différentes couches de la population sur cette question de restitution de la double rançon ». Le CNHRR facilitera des « études et recherches au niveau master et doctorat par des bourses aux projets les plus pertinents d'étudiants haïtiens dans des universités en Haïti et à l'étranger afin d'enrichir la littérature scientifique sur les questions de la double rançon, de la mémoire et des réparations de l'esclavage et de la colonisation ».
Le comité mettra rapidement en place « les comités d'organisation de 2 colloques scientifiques » sur « Mémoires de l'esclavage, pensée haïtienne et réparations, 16 au 18 novembre 2026) et sur « Restitutions, réparations et santé publique de la population, 23 – 24 août 2026 » afin de coordonner les efforts de réflexion sur ces questions essentielles ». Le CNHRR coordonnera dans le courant de l'année « une publication des différents argumentaires pour la demande de restitution à la France de la double rançon sous la forme d'un 'Livre Blanc' afin de les rendre publics et accessibles à tous les citoyennes et citoyens haïtiens ».
Le comité « établira les collaborations nécessaires avec différentes institutions et expertises pour tous les calculs actuariels et actualisés » des montants pour les discussions et négociations éventuelles sur les restitutions et les réparations. Il organisera, « dans le courant de l'année 2026, plusieurs journées d'études à l'intention des professeurs et étudiants des universités haïtiennes afin de construire et de diffuser des argumentaires et narratifs pertinents sur ces questions de mémoires de l'esclavage, de restitution de la double rançon et des réparations des dommages et torts de l'esclavage et de la colonisation ».
À ce propos, le CNHRR collaborera avec certaines institutions « pour l'organisation de concours littéraires au niveau des classes terminales et d'un prix d'excellence pour des manuels et livres d'histoire d'Haïti ». Sur recommandation du CNHRR, « l'Université d'État d'Haïti créera dans le courant du premier trimestre de 2026 une Chaire de Recherche sur la question de la double rançon comme cadre de conférences et de leçons publiques de haute portée scientifique dans les différentes entités de l'UEH tant à Port au Prince que dans certaines autres villes du pays ».
Le CNHRR mettra au point « un Plan de communication et de mobilisation sociale afin de sensibiliser et d'impliquer différents secteurs organisés de la société civile et toutes les composantes de la population haïtienne dans les démarches de restitution et de réparation ». Des « partenariats et alliances stratégiques » seront également recherchés « avec certaines organisations populaires dans le souci de créer des synergies positives dans le combat pour les restitutions et les réparations ».
Le comité renforcera ses « relations de travail et de collaboration avec la Commission des Réparations de la CARICOM et avec les différentes organisations africaines, américaines et européennes afin de faire front commun vers le plus large consensus ». Le CNHRR continuera « d'entreprendre toutes les démarches de participation et d'intégration de réseaux et d'organisations pouvant créer des dynamiques d'impact dans la lutte vers les restitutions et les réparations ».
Le document, daté du 16 novembre 2025 et signé par Dieuseul Prédélus en tant que Président du Comité, témoigne d'une volonté de « transformer cette lutte historique en un véritable projet de société impliquant l'ensemble du système éducatif, la communauté universitaire, la société civile et les instances régionales et internationales concernées ». Le CNHRR est basé au 21, rue Rivière, B.P. 2279, Port-au-Prince, et peut être contacté aux numéros (509) 2262-2000 (extensions 1204, 1212, 1223, 1235) et par courriel à cnhrr@ueh.edu.ht.