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Dadou Pasquet du Magnum Band et le « Compas Love » à l'horizon

Dadou Pasquet, guitariste-chanteur du Magnum Band, a internationalisé le Compas direct en y insufflant romantisme et folklore haïtien.

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Le maestro voudrait s'imposer en imprégnant une marque à la musique du Konpa direct au moyen de ces refrains « yo fè yo voye ban nou an, nou fè pou voye ba yo tou ». De là s'annonçait l'internationalisation du Compas direct qui se fera progressivement avec la migration des groupes musicaux aux États-Unis, en France et dans les Antilles. Le Tabou Combo, l'un des pionniers qui allait s'installer à New York, a fait la différence en imprégnant à la musique haïtienne un tempo dans le style de Big Band.

En effet, le jeune André Pasquet, dit Dadou, a rejoint le Tabou au début des années 1970 dans sa quête de reconnaissance d'une musique de Compas internationalisée. Des titres en anglais et en espagnol (Inflacion), l'utilisation d'instruments modernes et un groove de world beat ont fait la part des choses. Tout compte fait, Dadou a surtout tonifié ses compositions musicales d'un fort romantisme qui, d'ailleurs, ont marqué ses albums produits avec le Tabou Combo, dont les titres Maria, Je t'ai perdue, Plus près de toi et Come Back My Love. Dadou avait prédit le « Compas Love » qu'allait prôner un peu plus tard le chanteur Jacques Sauveur Jean. Outre un travail d'esthétique qu'il façonne pour se tailler une musique savante ancrée dans le folklore haïtien, le thème de l'amour est central dans son répertoire.

Dadou est fortement hanté par le thème de l'amour qui sert de toile de fond à ses compositions. Son expérience dans l'album Oupila (1993) avec la chanteuse antillaise Tanya Saint-Val l'a mis à découvert pour ses avancées romantiques et ses charmes. Ce, pour revenir à son Come Back My Love (1974) de l'album 8e Sacrement qui a porté alors la marque du Tabou Combo. Oupila met à nu ses passions comme flamme de son inspiration et de sa force de musicien.

Voilà ses témoignages :

Cheri lè n te kite, kè m te tèlman blese, m te vle fè w mechanste. Kou on vwati dezanbreye, tan ap pase, mwen pa ka bliye w. Konnen se le pase, men m toujou ap mande pouki sa pa t mache. Ou fè m soufri lontan, a chak fwa mwen pale w, toujou di m se pa vre. Chak fwa ke m rankontre, m fè kòmsi m pa bezwen w. Menm si ou wè mwen pap kriye, andedan kè m ap dechire.

Ce titre a rencontré I Would Love You de l'album Cherche La Vie (1980), Substitute for Your Love et L'amour (1980) de l'album Jehovah, Volume 2, Ki mele m (1981), Jalousie (1982) de l'album Adoration, Pardon (1983, 1990), Nou renmen pou lavi et Close the Door de T. Pendergrass (1984), I Miss You (1985), Just Two of Us et Love Is Real (1985), Welcome Back Baby (1986). Ce, pour ne citer que ces titres dans lesquels il se révèle romantique. Nous ajoutons que « Lanmou se flanm ki klere Dadou ».

Comme un fonceur, tout jeune, André (Dadou) Pasquet a embrassé la musique. En effet, il est élevé dans le cercle des grands dont Dòdòf Legros, qui est un de ses proches parents. Il devait se prouver sur une scène internationale marquée d'une diversité de tendances dans les années 1970, quand il a intégré le Tabou Combo de Pétion-Ville fraîchement migré aux États-Unis d'Amérique. C'était l'essor des tendances telles que le funk, le blues, le rock, la pop, le dixieland et le jazz, pour se hisser à ce niveau par l'entremise de la fusion jazz. Ce qui ne suscitait pas un grand effort, étant habitué et socialisé au courant de la musique yéyé des Mini-Jazz haïtiens des années 1960 à portée du Rock and Roll.

En effet, la musique haïtienne, qui s'est déjà sourcée dans les big bands, a fait un pas en arrière et deux pas en avant dans l'internationalisation du Compas direct. Le tempo de big band a bouillonné dans les touches de guitare solo de Dadou, accouplées avec une voix rauque sur mesure.

L'héritage bouillonnant du Tabou Combo, groupe au sein duquel il a participé à quatre albums, est préservé après avoir extrait sa personnalité en allant co-fonder le Magnum Band en 1976 avec son frère Claude (Tico) Pasquet, revenu des Gypsies et des Frères Déjean de Pétion-Ville. Il profitait de l'originalité du Konpa Paka Pala pour faire et présenter le Magnum Band sous le label de « La Seule Différence » dans un Funky Compas.

Chanter et jouer à la guitare à la fois, soit un cocktail qui explose et fait manifester une présence éblouie et continue de Dadou Pasquet. Dadou « Paka Pala ». Ce, pour dire autrement « l'immortel Dadou » pour sa contribution incommensurable dans le patrimoine de la musique savante haïtienne.

Son immersion dans les thèmes d'amour, d'adoration, de courage et de liberté est profonde. Il ne laisse jamais en arrière le folklore haïtien qui est pour lui une source inépuisable pour ses avancées dans l'internationalisation de la musique du Compas direct : Trois feuilles, trois racines, Grann, Complainte paysanne, Nou rive nan lakou a, Gran chimin, Ashadei, Pese cafe, Wangole, Vodoo Rock. Il s'affirme comme islamiste dans le titre Allah ou Akbar et un album titré Islam.

Je me rappelle, dans un bistrot à la Martinique en 2002, une amie socio-musicologue de nationalité anguillaise m'a interpellé pendant qu'une musique du Magnum Band animait le public. Elle me témoignait avoir affaire à un riche répertoire que constitue la tradition musicale haïtienne pour la Caraïbe. Je me rappelle aussi ma première expérience de disc-jockey (DJ) pour animer un bal dans le cadre d'une première communion : j'avais un fort parti pris pour les menus du Magnum Band, ce qui avait plu heureusement au public. Bref.

Dadou Pasquet se lançait dans la musique à l'âge d'or du Compas direct dans les années 1980, dont témoignaient les exploits des groupes musicaux performant dans la diaspora tels que Tabou Combo, GM Connection, Coupe Cloué Band, Skah Shah, Mini All Stars, Volo Volo, D-Jet X, Frères Déjean, du Magnum Band entre autres, qui ont laissé une « symphonie inachevée » du Coupe Cloué Band (1980) à parfaire de plus en plus. Dadou Pasquet et son sens du perfectionnisme planent sur la musique du Compas, dont la candidature est acceptée en 2025 par l'UNESCO pour devenir un des patrimoines immatériels de l'humanité.

Dadou, « Antyoutyout » et « Paka Pala ». Il ne ratait jamais les meilleures occasions pour faire du Compas direct un phare. Antyoutyout (1983) traduit l'esprit d'engagement du Magnum Band pour son pays, soit un titre de carnaval auquel il avait participé sous pression du régime des Duvalier d'alors.

Nous voudrions rappeler aussi quelques prouesses dans ses prestations internationales, nationales ou communautaires pour affirmer l'identité haïtienne par la musique. Nous soulignons parmi ses grandes prestations sa performance aux Jeux olympiques d'Atlanta aux États-Unis en 1996 et la CARIFESTA de 2015 en Haïti. Les ambiances champêtres étaient son dada, notamment à Gelée (Cayes) pour les 15 août, et d'ailleurs il a dédié une musique titrée Aux Cayes, une communauté avec laquelle il est en communion identitaire. Il ne manquait pas de saluer le Cap-Haïtien dans son titre Okap. Dans les années 1980, le Magnum Band au Club Méridien à l'entrée de Mariani a fait rimer tous les dimanches sa musique avec les vagues de « la mer frappée » en drainant les jeunes et moins jeunes de tous les coins.

Dadou paraissait certes froid de tempérament sur les scènes publiques, alors qu'il était un personnage jovial. Il ne voulait pas s'évader dans sa communion avec sa guitare qui résonne avec les timbres d'une voix exaltante qui chante la Liberté. Il chante « liberté » pour nos frères qui se lançaient dans des aventures périlleuses en haute mer comme « Boat People » pour tenter d'échapper à la misère et à l'insécurité qui sévissent en Haïti. Dadou « retounen lakay » : c'est ce qu'il chantait dans le titre Haïti.

Dadou Pasquet incarne le Magnum Band, même s'il jouait en solo ou en équipe réduite depuis quelque temps. Il traîne derrière lui plusieurs versions de musique en langue anglaise pour renforcer davantage la pénétration internationale du Compas direct avec des touches modernes.

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