Table des matières
Les études postcoloniales visent d’abord à combler une lacune philosophique et historique, celle de l’analyse du fait colonial. La colonisation n’est pas une domination comme une autre. Elle ne s’est pas contentée d’être l’exercice d’un pouvoir politique réduisant le peuple conquis à la sujétion, mais, en se voulant une mission civilisatrice, elle a abouti à la destruction des structures symboliques des populations concernées […] (L’Heuillet 2017, p. 41 ‑41).
Mon intérêt à écrire ce texte provient de certains constats observés tant dans le monde académique que dans les sphères politico-médiatiques. Premier constat : il existe une confusion entre les perspectives postcoloniale et décoloniale. Autrement dit, la postcolonialité serait considérée comme interchangeable avec la décolonialité. À ce propos, Painkow Rosa Cavalcante, Macêdo et Carrillo Avelar (2024, p. 3) expliquent qu’ une « confusion survient entre les études considérées comme postcoloniales et décoloniales ». Cette confusion est manifeste à plusieurs reprises dans l’ouvrage L’idéologie du woke. Anatomie du wokisme, où l’on peut lire : « Les études postcoloniales sont résumées ainsi par Pierre-André Taguieff : “Sous la présupposition que l’héritage colonial — cognitif, culturel et sociopolitique — est partout, l’impératif décolonial est ainsi formulable : tout déconstruire pour tout décoloniser.” »
Cette confusion est à la fois théorique et conceptuelle. Ainsi, certains ne parviennent pas à distinguer — ou refusent de le faire — le vocabulaire spécifique propre aux perspectives décoloniale et postcoloniale. Les propos suivants de Christian Godin sont particulièrement illustratifs, puisqu’il mobilise le concept de colonialité pour se référer au postcolonialisme :
« Si la colonialité constitue, en tant qu’ensemble de discours et de dispositifs instituant le fait colonial, le fondement structurant du colonialisme, elle peut exister sans empire ni colonie. En ce sens, elle transcende à la fois la politique et l’histoire. La colonialité, que le néocolonialisme continue après la décolonisation, et que le postcolonialisme dénonce, dépasse à la fois les régimes politiques et les événements historiques. » (Godin, 2017, p. 12)
Le concept de colonialité est fondamentalement issu de la pensée décoloniale, et les auteurs et autrices de ce courant ont clairement établi la distinction entre celui-ci et le colonialisme. Bien que le décolonial et le postcolonial partagent la remise en cause de l’hégémonie occidentale, ces deux perspectives présentent néanmoins d’importantes différences (Cahen, 2024).
Deuxième constat : une confusion persiste autour de l’idée selon laquelle certains croient que la décolonialité serait une avancée de la postcolonialité. Autrement dit, la postcolonialité aurait évolué vers la décolonialité. On peut ainsi lire :
« Les études postcoloniales, popularisées par Edward W. Saïd, ont évolué en “études décoloniales”. Ce champ académique est devenu un débat politico-médiatique, souvent déconnecté des réalités des sciences sociales, suscitant critiques et controverses. » (France Culture, 2024)
Dans les propos du sociologue Danilo Martuccelli, il semble que ce dernier considère la décolonialité comme une déclinaison de la perspective postcoloniale. Il écrit ainsi :
« À la base du tournant épistémique postcolonial, notamment dans la perspective décoloniale, se trouve une affirmation centrale : la production raciale des sujets serait à la base de l’épistémologie moderne et de la colonialité du pouvoir. » (Martuccelli, 2017, p. 35)
Il apparaît que, volontairement ou involontairement — ou encore par ignorance, déni ou refus de savoir (Godrie et Bandini, 2020) —, le postcolonial et le décolonial soient confondus ou considérés comme l’un étant une étape ou une avancée de l’autre.
Troisième et dernier constat : j’observe avec attention la montée des tendances antipostcoloniales et anticoloniales, tant dans le milieu universitaire que dans le milieu politique. Ces tendances coïncident, voire se confondent, avec la montée de l’extrême droite à l’échelle mondiale. Dans certains milieux académiques, la théorie postcoloniale suscite des polémiques parfois virulentes (Cohen et al., 2007), des querelles, voire des contestations portées par des antidécoloniaux de droite ou des tenants de l’antiwokisme (Cahen, 2024).
L’État français, à travers ses plus hautes autorités, dont le président, se positionne contre ces pensées critiques. Le président Emmanuel Macron a ainsi affirmé :
« Certaines théories en sciences sociales [qui sont] totalement importées des États-Unis d’Amérique », tandis que son ministre de l’Éducation a renchéri en déclarant : « Il y a un combat à mener contre une matrice intellectuelle venue des universités américaines. » (Onishi, 2021)
Le postcolonial ou le décolonial est ainsi construit comme une cible, un ennemi, une menace à éliminer. Le discours du ministre s’inscrit dès lors dans un régime discursif militariste et conflictuel. Dans l’espace académique français, le postcolonial est non seulement controversé, mais également marginalisé dans les sciences sociales, alors qu’il occupe une place croissante dans les sciences sociales à l’échelle mondiale (Bancel et Blanchard, 2017). En effet,
« Être “anti-postcolonial” semble être devenu une posture dans le champ académique, permettant à quelques jeunes pousses d’être adoubées par leurs aînés. […] » (Bancel et Blanchard, 2017, p. 54)
La réalité n’est pas très différente dans le contexte nord-américain. Deux titres parus respectivement le 6 février 2025 sur France Culture et le 12 mars 2025 dans L’Humanité sont particulièrement révélateurs : le balado (« États-Unis : l’avenir de l’enseignement supérieur américain sous la menace du combat “anti-woke” », 2025) et l’article (« États-Unis : pour poursuivre sa guerre contre les “wokes”, Donald Trump sabre la moitié des effectifs du ministère de l’Éducation », L’Humanité, 2025).
Le pouvoir trumpiste va jusqu’à interdire une série de mots : environ 250 ont déjà été recensés, parmi lesquels haine, handicap, identité, idéologie, iel, inclusion, inégalités, injustice, intersectionnalité, justice environnementale, justice sociale, Latinx, leadership inclusif, LGBTQ, race, racisme, santé mentale, science climatique, ségrégation, sexe, sexualité (Nicolas, 2025).
Il va sans dire que le Canada n’est pas épargné par cette mouvance d’extrême droite, dont l’une des figures marquantes s’est récemment portée candidate au poste de Premier ministre. On peut lire en effet dans Le Devoir :
« Pierre Poilievre s’engage à éliminer “l’idéologie woke” dans l’attribution de fonds publics à la recherche universitaire, reprenant ainsi la rhétorique utilisée par le président américain, Donald Trump, pour sabrer le financement des activités de recherche sur le climat dans son pays, ce qui inquiète les chercheurs. » (Fawcett-Atkinson, 2025)
Une des figures « académiques » de cette mouvance antiwoke au Canada est le controversé Mathieu Bock-Côté.
Au regard de ces constats, il me semble pertinent de me prononcer sur ces débats dans un contexte marqué par la confusion, les amalgames et les polémiques. Il m’est difficile de répondre ici à l’ensemble des préoccupations soulevées, et tel n’est d’ailleurs pas l’objectif. Je me propose plutôt de présenter et de discuter les perspectives postcoloniales et décoloniales, dans l’intention de les distinguer clairement.
Je commencerai par la présentation de la perspective postcoloniale, en m’appuyant sur les textes et les auteurs et autrices généralement considérés dans la littérature comme fondateurs de ce courant théorique. Ensuite, j’estime utile de discuter d’un auteur majeur que certains associent à cette perspective, bien qu’il ait lui-même précisé ne pas être un théoricien postcolonial : l’historien et politologue camerounais Achille Mbembe.
Par la suite, j’aborderai la perspective décoloniale afin d’en démontrer la spécificité et d’examiner les raisons pour lesquelles elle ne saurait être considérée comme substituable à la postcolonialité, ni comme une simple dérivation de celle-ci. Je conclurai par une discussion qui me tient particulièrement à cœur : la place de la Révolution haïtienne dans les perspectives postcoloniales et décoloniales. Plus précisément, je m’intéresserai à son absence relative ou à sa présence discrète dans ces cadres théoriques, bien qu’elle suscite un regain d’attention depuis quelques années.
Il ne s’agit en aucun cas de rejeter les apports existants, mais de les enrichir, de les complexifier et de contribuer à une pensée sociale décoloniale radicale, ancrée dans l’expérience historique de la Révolution haïtienne. En ce sens, j’essaie de déplacer le lieu d’énonciation vers une « zone de non-être » (Fanon, 1952), et de proposer une sociologie des absences et des émergences (Grosfoguel & Cohen, 2012 ; de Sousa Santos, 2011), attentive aux acteurs, aux idéaux, aux savoirs et aux pratiques issus ou projetés par cet événement fondateur.
Il s’agit d’un vaste chantier, mais dans ce premier jalon, je me concentrerai sur la perspective postcoloniale, en m’appuyant principalement sur trois de ses figures fondatrices : Edward W. Saïd, Gayatri Chakravorty Spivak et Homi K. Bhabha.
Émergence de la perspective postcoloniale
« Si le postcolonial est d’abord, au sens littéral, ce qui vient « après le colonialisme », la première vertu de ce mot est d’exprimer un paradoxe : « après le colonialisme », au moment des migrations qui marquent « l’explosion du monde impérial hors de ses frontières » (Stuart Hall), il peut rester un « après-colonialisme », une « postcolonie » (Mbembe) qui survit au colonialisme et le perpétue, selon des formes renouvelées. Bien sûr, il n’est pas simple de déterminer ce qui relève, à l’époque contemporaine, du colonial dans les rapports sociaux. Il n’est pas indifférent que l’essentiel des controverses entre historiens, sociologues, anthropologues et politistes porte sur les continuités et les discontinuités entre le colonialisme et le postcolonial, dans les institutions, dans les pratiques sociales, dans les structures mentales, les formes culturelles et les imaginaires. » (Cohen et al. 2007, 11)
Je tiens d’abord à situer le contexte de l’émergence de la théorie postcoloniale. Il convient de préciser que je ne prends pas en compte, dans ce texte, toutes les nuances terminologiques. Ainsi, les expressions postcolonial, théorie postcoloniale, études postcoloniales ou perspective postcoloniale désignent ici la même chose, sauf mention contraire.
Jusqu’à la fin des années 1970, il n’existait pas de champ d’étude universitaire explicitement nommé études postcoloniales, malgré certains travaux antérieurs portant sur des questions relatives aux cultures et sociétés dites postcoloniales (Lazarus [dir.], 2006). La perspective postcoloniale est issue principalement du monde occidental anglophone, en particulier de l’Angleterre et des États-Unis. Neil Lazarus (dir.) (2006) rappelle que le terme britannique post-colonial et sa variante états-unienne postcolonial renvoient à des périodes historiques distinctes.
Le postcolonial est originaire des territoires occidentaux, notamment de l’Euro-Amérique et du monde anglophone (L’impossible fondement des théories postcoloniales : Le commerce du génie dans une société en devenir, 2009 ; Mignolo, 2013). Ce positionnement a d’ailleurs fait l’objet de critiques, certains allant jusqu’à évoquer une « intelligentsia compradora » et situant la naissance du postcolonial à l’arrivée des intellectuels du Tiers-Monde dans les universités du Premier Monde.
Danilo Martuccelli (2017, pp. 32‑33) précise en ce sens que « la critique n’est pas exempte de méchanceté, mais ne souligne pas moins le fait que les représentants les plus en vue du postcolonialisme sont globally connected et locally disconnected. »
Bien que le postcolonial ait été popularisé dans les universités états-uniennes et britanniques, le terme postcolonial serait plutôt apparu en Australie au début des années 1960 (Lacoste, 2008 ; Haase-Dubosc & Lal, 2006). Cependant, Samba Diop (2017, p. 140) précise que
« le concept de postcolonial est né après l’indépendance de l’Inde en 1947 avant de s’étendre à l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne, l’Afrique du Sud, le Canada, etc. »
Par ailleurs, certains auteurs considèrent Frantz Fanon comme l’un des précurseurs des perspectives postcoloniale (L’Heuillet, 2017) et décoloniale (Grosfoguel & Cohen, 2012). Pour El Hadj Souleymane Gassama, dit Elgas (2023), « Fanon […] étend le domaine de la réflexion sur l’urgence décoloniale. » Pourtant, selon Ali-Benali et Simasotchi-Bronès (2009, p. 58) :
« Fanon est totalement dans une perspective postcoloniale, lui qui, dans son texte le plus célèbre, Les Damnés de la terre, est plutôt dans la lutte anticoloniale. Il sait lire les signes de la transformation qui accompagne la guerre d’Algérie et qui peut être étendue à toute la guerre. Mais Fanon n’est pas totalement “postcolonial”, car il ne sait pas — ou ne veut pas — voir le retour sur la scène des vieilles forces de l’inertie. »
Frantz Fanon demeure l’un des auteurs les plus mobilisés dans les études postcoloniales et décoloniales. Il me semble néanmoins que les deux perspectives tendent à passer sous silence la radicalité de Les Damnés de la terre, au profit d’une surutilisation de Peau noire, masques blancs. Il serait pertinent d’analyser les modalités d’appropriation de Fanon au sein des perspectives postcoloniale et décoloniale.
Achille Mbembe et al. (2006) renforcent cependant l’idée selon laquelle l’approche postcoloniale a émergé dans le monde anglo-saxon. La naissance de cette perspective s’inscrit donc au sein même des puissances impérialistes, capitalistes, voire colonialistes. Toutefois, il convient de souligner que les auteurs et autrices qui l’ont introduite sont originaires du monde non euro-américain (Mignolo, 2013).
Edward W. Saïd, Gayatri Chakravorty Spivak et Homi K. Bhabha sont considérés comme des intellectuels pionniers de la pensée postcoloniale. Yves Lacoste (2008) affirme, à ce sujet, que Gayatri Chakravorty Spivak est l’une des théoriciennes les plus citées dans le champ des postcolonial studies. Hélène L’Heuillet (2017) considère Edward W. Saïd comme le véritable fondateur du postcolonial, notamment à travers son ouvrage fondateur L’Orientalisme (voir aussi Bancel & Blanchard, 2017 ; Mbembe et al., 2006). Homi K. Bhabha constitue un autre intellectuel-clé de cette perspective (Parry, 2006).
Ces trois auteurs ont développé leur œuvre intellectuelle aux États-Unis et/ou au Royaume-Uni. Homi K. Bhabha, d’origine indienne, a évolué dans les milieux universitaires britanniques et états-uniens. Gayatri Chakravorty Spivak, également d’origine indienne, s’est établie aux États-Unis. Edward W. Saïd, d’origine palestinienne, a enseigné aux États-Unis.
Benita Parry (2006, p. 141), qui retrace le processus historique de l’institutionnalisation des études postcoloniales, écrit :
« Une réflexion si intense, centrée sur l’obligation pour le ou la critique de saper le texte de l’autorité coloniale tout en prenant ses distances avec la théorie anticoloniale, constitue le point de départ des études postcoloniales à la fin des années 1970 et au début des années 1980, au sein de ce qui était alors appelé “analyse du discours colonial”. »
Ella Shohat (2007, p. 83) précise quant à elle que :
« Le “postcolonial” implique à la fois un dépassement de la théorie nationaliste anticoloniale et le mouvement au-delà d’un moment spécifique de l’histoire : celui du colonialisme et des luttes de libération nationale du tiers-monde. »
Si les définitions et conceptions de la théorie postcoloniale se multiplient, après en avoir situé l’émergence sur les plans historique et géopolitique, je choisis ici de discuter trois ouvrages fondateurs, en commençant par L’Orientalisme d’Edward Saïd.
L’orientalisme
« Mais tous s’accordent à reconnaitre en Edward Saïd l’un des principaux initiateurs de ce qui, bien plus qu’une discipline, constitue un mouvement de pensée, une « théorie » […]. La dette de la théorie postcoloniale à l’égard de Saïd […] est évidente en raison de son opposition véhémente au colonialisme et à l’ethnocentrisme européen. […] L’Orientalisme oppose au discours impérialiste un « contre-discours » […]. Edward Saïd a littéralement révolutionné les disciplines littéraires et les sciences humaines en publiant l’un des essais qui a alimenté le plus grand nombre de discussions et de polémiques durant les trente dernières années, et ce à travers le monde entier. […] [L’] » ouvrage a opéré une véritable « révolution copernicienne » dans les recherches sur l’orientalisme et, tout simplement, dans la lecture des textes de la tradition occidentale. » (Combe 2009, 118‑21)
Comme Dominique Combe le souligne dans l’extrait mis en exergue plus haut, Yves Lacoste (2008) précise qu’Edward Saïd est considéré comme une figure de proue de la pensée postcoloniale, à partir de son ouvrage L’Orientalisme. Dominique Combe (2009) avance que cet ouvrage inaugure un champ de recherche inédit en soumettant l’orientalisme à une méthode critique fondée sur l’analyse du discours. Selon Gurminder K. Bhambra (2014), il ouvre la voie à une production de connaissances s’inscrivant dans une perspective globale.
L’Orientalisme constitue un concept central dans la pensée de Saïd et influence de manière décisive la construction du champ postcolonial. Il le définit dans une dynamique relationnelle entre l’Orient et l’Europe. Si l’Orient est une construction de l’Europe, l’orientalisme revêt plusieurs sens interdépendants.
Il en propose d’abord une signification universitaire, désignant :
« […] toute personne qui enseigne, écrit ou fait des recherches sur l’Orient en général ou dans tel domaine particulier […] et sa discipline est appelée orientalisme. » (Saïd, 2005, p. 31)
Il décrit ensuite l’orientalisme comme :
« […] un style de pensée fondé sur une distinction ontologique et épistémologique entre “l’Orient” et (le plus souvent) “l’Occident”. » (Saïd, 2005, p. 31)
Enfin, il en donne une définition historique et matérielle :
« Prenant comme point de départ, très grossièrement, la fin du dix-huitième siècle, on peut décrire et analyser l’orientalisme comme l’institution globale qui traite de l’Orient : des prises de position, des descriptions, un enseignement, une administration, un gouvernement ; bref, l’orientalisme est un style occidental de domination, de restructuration et d’autorité sur l’Orient. » (Saïd, 2005, p. 32)
Pour sa part, Dipesh Chakrabarty (2020), dans sa démarche de provincialisation de l’Europe, critique l’historicisme, qu’il définit comme l’idée selon laquelle l’histoire de l’humanité suit un processus de développement déjà expérimenté par l’Europe. D’où son expression : « d’abord en Europe, ensuite ailleurs. » (Chakrabarty, 2020)
Saïd aborde son objet d’étude en mobilisant l’analyse du discours, en s’inspirant de l’approche foucaldienne. L’Heuillet (2017, p. 45) souligne par ailleurs qu’Antonio Gramsci inspire le cadre théorique à la base de la fondation des Postcolonial Studies, et que Saïd s’appuie notamment sur la notion d’hégémonie culturelle développée par Gramsci.
Saïd se réfère à deux œuvres majeures de Michel Foucault : L’archéologie du savoir et Surveiller et punir. Dans le premier ouvrage, Foucault (1969) invite à renoncer à concevoir le discours comme un simple phénomène d’expression. Selon sa démarche archéologique, les discours doivent être appréhendés comme des pratiques soumises à des règles. Il ne s’agit pas de traquer les non-dits, mais de décrire les pratiques discursives en tant que telles, en déterminant la régularité des énoncés et des formations discursives.
Dans Surveiller et punir, Foucault (1975) introduit une conception du pouvoir comme stratégie, et non comme propriété. Le pouvoir n’est pas le privilège d’un individu ou d’un groupe, mais se manifeste toujours dans des relations conflictuelles. Il circule à la fois dans les classes dominantes et dans les classes dominées, en ce sens qu’il ne s’impose pas uniquement par l’interdiction ou la contrainte aux sujets qui ne le détiennent pas. Le pouvoir ne désigne pas une substance, mais une série de mécanismes et de procédures dont la fonction est d’assurer son exercice. L’analyse des relations de pouvoir permet ainsi une lecture globale de la société (Foucault, 2004).
Cette conception se distingue des approches déterministes qui conçoivent le pouvoir exclusivement en termes de classes sociales, en réservant sa détention aux seules classes dominantes. Dominique Lecourt (2014) a toutefois critiqué la démarche archéologique de Foucault, lui reprochant l’absence d’une perspective de classe.
Enfin, en se référant à Foucault et à Deleuze, Spivak (2020, p. 24) affirme : « Ces philosophes n’admettront en aucun cas la pensée de la contradiction constitutive — d’un aveu général, c’est en ce point qu’ils se différencient de la gauche. Au nom du désir, ils introduisent le sujet indivisé dans le discours du pouvoir. »
Homi K. Bhabha (2019) critique l’usage que fait Edward Saïd des concepts foucaldiens de discours et de pouvoir. Il avance :
« Saïd identifie le contenu de l’orientalisme comme un répertoire inconscient de récits imaginaires et d’idées essentielles ; et la forme de l’orientalisme manifeste comme l’aspect diachronique historiquement et discursivement déterminé. » (Bhabha, 2019, pp. 146‑147)
Bhabha reproche ainsi à Saïd une conception de l’orientalisme qui, selon lui, affaiblit la portée du concept de discours, en raison de ce qu’il appelle « les polarités de l’intentionnalité ». Il juge également problématique son usage des concepts foucaldiens de pouvoir et de discours. Il renforce sa critique en affirmant que :
« […] Saïd n’apporte pas assez d’attention à la représentation en tant que concept articulant l’historique et l’imaginaire (comme la scène du désir) dans la production des effets “politiques” du discours. » (Bhabha, 2019, p. 147)
Il en découle que, malgré l’influence déterminante de Michel Foucault sur les Postcolonial Studies, les auteurs postcoloniaux ne s’approprient pas tous son œuvre de manière uniforme. Des divergences et nuances apparaissent ainsi entre eux.
Edward Saïd a d’ailleurs lui-même exprimé des réserves quant à l’approche foucaldienne. Il déclare :
« […] je crois en l’influence déterminante d’écrivains individuels sur le corpus des textes, par ailleurs collectif et anonyme, constituant une formation discursive telle que l’orientalisme. » (Saïd, 2005, p. 63)
Il ajoute :
« […] je procède dans mes analyses par explication de texte dans le but de révéler la dialectique entre le texte ou l’écrivain individuel et la formation collective complexe à laquelle l’œuvre en question est une contribution. » (Saïd, 2005, p. 63)
Ces propos témoignent d’une distance critique vis-à-vis de Foucault, malgré l’usage que Saïd fait de ses outils théoriques. En effet, Foucault défend une conception de l’analyse énonciative comme analyse historique se démarquant de l’interprétation, en ce qu’elle ne recherche pas les non-dits mais s’adresse à « la patence du langage effectif ». Il précise également que « l’analyse des formations discursives est bien centrée dans une description de l’énoncé dans sa spécificité. » (Foucault, 1969, p. 158)
Ainsi, même si l’on peut déceler chez Saïd une démarche interprétative dans son approche du discours, celle-ci diffère de l’archéologie foucaldienne, laquelle se présente comme une méthode ni formalisante ni interprétative.
Sur le plan méthodologique, Edward Saïd (2005) met l’accent sur le témoignage tel qu’il se manifeste à travers les représentations contenues dans les textes, sans chercher à en vérifier l’exactitude factuelle. Il mobilise une vaste diversité de sources : ouvrages savants, œuvres littéraires, pamphlets politiques, articles de journaux, récits de voyage, études religieuses et philologiques.
L’auteur invite ses lecteurs et lectrices à garder à l’esprit trois nuances fondamentales à la lecture de L’Orientalisme. Premièrement, il ne s’agit pas pour lui de soutenir que l’Orient serait uniquement une construction de l’esprit, sans aucune matérialité. Deuxièmement, son objet n’est pas la relation entre l’Orient et l’Occident, mais la cohérence interne du discours orientaliste et de ses représentations sur l’Orient. Troisièmement, Saïd souligne :
« Il ne faut pas croire que la structure de l’orientalisme n’est rien d’autre qu’une structure de mensonges ou de mythes qui seront tout bonnement balayés quand la vérité se fera jour. […] L’orientalisme a plus de valeur en tant que signe de la puissance européenne et atlantique sur l’Orient qu’en tant que discours véridique sur celui-ci […]. » (Saïd, 2005, p. 36)
Il insiste également sur les liens étroits entre le discours orientaliste et les puissantes institutions socioéconomiques.
En tant que membres de la société, les scientifiques — y compris les orientalistes — occupent une position sociale, adhèrent à des valeurs, et sont influencés par leur contexte de vie. Saïd écrit ainsi :
« En effet, il existe bien quelque chose comme savoir, qui est plutôt moins partial que l’individu qui le produit, tout empêtré et distrait par les circonstances de sa vie. Cependant, ce savoir n’est pas pour autant non politique. » (Saïd, 2005, p. 42)
Cette posture remet en question la dichotomie entre savoir et politique, ainsi que l’objectivisme hérité de la pensée moderne eurocentrique. Il affirme en ce sens :
« Car, s’il est vrai que pour aucune production de savoir en sciences humaines on ne peut ignorer ou négliger que son auteur est un sujet humain, déterminé par les circonstances de sa vie, il doit être vrai aussi qu’un Européen ou un Américain qui étudie l’Orient ne peut refuser de reconnaître la principale circonstance de sa réalité, à savoir qu’il se heurte à l’Orient en premier lieu en tant qu’Européen ou Américain, ensuite en tant qu’individu. » (Saïd, 2005, p. 44)
Par ces propos, Edward Saïd exprime clairement que l’intérêt de l’Europe et de l’Amérique pour l’Orient est d’ordre politique, et que ce jeu d’intérêts se joue sur le terrain de la culture. Il soutient la thèse selon laquelle l’orientalisme constitue un domaine de la culture politique et intellectuelle moderne. Par ailleurs, il critique toutes les formes d’objectivisme et de positivisme, qui tendent à effacer la figure du savant dans le processus de production du savoir.
S’appuyant sur les expériences anglaise, française et états-unienne, et en mobilisant une diversité de sources, Saïd montre comment l’Orient a été construit comme objet social dans une dynamique de rapport savoir/pouvoir, produisant des relations de domination entre l’Est et l’Ouest. L’orientalisme se présente ainsi comme une approche occidentale de l’Orient, servant à justifier les rapports de pouvoir et de domination imposés par l’Occident.
Cette construction culminerait, selon Saïd, dans le cas emblématique de l’Égypte, où l’expédition de Bonaparte s’accompagne d’un dispositif scientifique et militaire qui engendre un « engloutissement orientaliste » par les instruments occidentaux de savoir et de pouvoir. L’auteur analyse ainsi la constitution d’un ensemble discursif où le savoir et le pouvoir sont articulés pour établir des rapports asymétriques avec un Autre, ici l’Orient, considéré comme arriéré, archaïque, et en besoin de salut. L’Occident s’est alors investi d’une mission quasi divine pour sauver cet Autre.
C’est pourquoi, selon lui, tous ceux qui ont écrit sur l’Orient :
« […] ont vu dans l’Orient une scène demandant attention, reconstruction et même rédemption de la part de l’Occident. » (Saïd, 2005, p. 255)
La matrice de ce rapport entre savoir et pouvoir s’appuie sur une idéologie raciste qui vient justifier cette entreprise. En effet :
« L’Orient tel qu’il apparaît dans l’orientalisme est donc un système de représentation encadré par toute une série de forces qui l’ont amené dans la science de l’Occident et, plus tard, dans l’empire de l’Occident. » (Saïd, 2005, p. 350)
Edward Saïd propose, à travers ce travail, une nouvelle lecture du rapport de l’Occident à l’Autre et au savoir dans la modernité. Il développe une analyse discursive de ces rapports en accordant la priorité à leur dimension symbolique et discursive, ainsi qu’au rôle du savoir dans leur construction, plutôt que de se focaliser sur l’aspect strictement économique de l’exploitation et du pillage.
Ce faisant, il formule une critique radicale de l’eurocentrisme. Son influence sur la perspective postcoloniale est considérable. Celle-ci désigne un champ d’études
« […] visant à explorer et faire comprendre comment le pouvoir du discours occidental a “construit” et “inventé” une vision de l’Autre. » (Haase-Dubosc & Lal, 2006, p. 36)
Neil Lazarus (2006) observe que les critiques de l’eurocentrisme formulées dans les travaux postcoloniaux sont toutes profondément marquées par l’apport de Saïd et comportent deux traits distinctifs. Premièrement, l’accent mis sur le rôle socialement constitutif du discours orientaliste :
« […] ce type de discours est considéré comme ayant littéralement produit les mondes fantasmatiques qu’il désigne, de telle sorte que ceux-ci, cessant d’être des fantasmes, sont devenus réalité. » (Lazarus, 2006, p. 71)
Deuxièmement, le fait que ce discours est appréhendé non plus seulement comme une formation idéologique, mais comme une épistémè :
« […] le fait qu’elle s’est efforcée de définir celui-ci moins comme une formation idéologique que comme une épistémè. » (Lazarus, 2006, p. 73)
À l’instar d’Edward Saïd, les questions de discours, de représentation et de sujet sont autant d’entrées à partir desquelles de nombreux autres auteurs postcoloniaux ont construit leurs objets d’étude.
Les subalternes peuvent-elles parler ?
« Le travail de Spivak s’inscrit notamment dans la continuité de celui d’Edward Saïd, dont les analyses d’œuvres de la littérature anglaise du XIXᵉ siècle ont mis en évidence leur contribution au projet colonial et au mythe civilisateur. […] Ce que cherche à faire Spivak en relisant ces œuvres, c’est montrer le rôle de la littérature dans la production de la représentation culturelle de l’Occident et de son ‘dehors’ » (Huchet, 2022, p. 6).
Les subalternes peuvent-elles parler ? de Gayatri Chakravorty Spivak, « grande figure des Postcolonial Studies » (Donatien, 2020), s’inscrit dans la lignée du travail de Saïd. Si Saïd (2005) analyse le processus de construction de l’Orient par l’orientalisme et les rapports de pouvoir/savoir instaurés par l’Occident pour assurer son hégémonie — dans la perspective gramscienne du terme — en Orient, Spivak (2020) s’inscrit dans la même tradition en proposant une critique de l’Occident qui se construit en tant que sujet universel, sans déterminations politiques.
C’est ce que Santiago Castro-Gómez (2005, 2007) appelle la hybris del punto cero : la philosophie ou l’épistémologie du point zéro, un savoir qui se prétend universel, neutre et sans lieu géopolitique, en tentant d’invisibiliser ses déterminations géopolitiques, comme le souligne Spivak, alors qu’il s’agit en réalité d’un savoir situé et particulier, se faisant passer pour universel et général.
Le sociologue Ramón Grosfoguel (2006, p. 53) précise en ce sens :
« Le “point zéro” est le point de vue qui cache le point de vue particulier comme s’il se situait dans un au-delà de tout point de vue, un point de vue qui se présente comme n’ayant aucun point de vue. Cette perspective se présente comme celle du regard de Dieu et recouvre son épistémologie particulière sous un discours universaliste. »
Dans cette perspective, Achille Mbembe (2020a) avance qu’il s’agit d’un sujet singulier qui cherche à se faire passer pour l’universel, en pervertissant la différence pour justifier sa domination. Ainsi, Gayatri C. Spivak formule une critique de cette épistémologie du point zéro.
Spivak (2020, p. 16) affirme dès le départ son intention en avançant qu'elle « […] fait une critique des efforts déployés actuellement par l'Occident pour problématiser le sujet, pour aboutir à la question de la représentation du sujet du Tiers-Monde dans le discours occidental. » Elle soutient l'argument que la production intellectuelle occidentale se fait complice des intérêts économiques internationaux de l'Occident. Elle rejoint Édouard Saïd (2005) en ce sens, qui note que l'orientalisme tisse des liens très forts avec les puissantes institutions socio-économiques et politiques. Elle propose
« […] une analyse alternative des rapports entre les discours de l'Occident et la possibilité pour la femme subalterne de parler (ou la possibilité de parler au nom de la femme subalterne). » (Spivak, 2020, p. 16)
Ainsi, dit-on, elle entend
« […] faire entendre la voix des femmes subalternes du tiers-monde réduite au silence, parce qu'étouffée par le discours colonial. » (Zarka, 2017, p. 6)
De même que Saïd, elle mobilise des textes comme sources pour analyser et étayer ses arguments. Ainsi, elle choisit d'analyser le texte, entre autres, Les intellectuels et le pouvoir, qui est une conversation entre Gilles Deleuze et Michel Foucault.
Sa thèse est que la critique radicale interne à l'Occident n'est qu'une volonté de conserver le sujet de l'Occident ou l'Occident comme sujet. Elle analyse le texte parce que Deleuze et Foucault représentent des figures de cette critique radicale qui rompt avec la distinction entre production théorique autorisée et pratique plus relâchée de la conversation. Ce qui permet d'y apercevoir de l'idéologie. Spivak nous dit que ces intellectuels identifient les importantes contributions de la théorie poststructuraliste française. D'abord, ils montrent que les réseaux de pouvoir/désir/intérêt sont hétérogènes à tel point que leur réduction à un tout cohérent est contre-productive. En effet, il faut une critique incessante. Ensuite,
« […] les intellectuels doivent dévoiler et connaître le discours de l'Autre de la société. » (Spivak, 2020, p. 18)
Cette dernière critique ces auteurs parce qu'ils ignorent l'idéologie ainsi que leur implication dans l'histoire intellectuelle et économique. Elle formule une autre critique à l'égard de Deleuze concernant sa référence à la lutte des travailleurs qu'elle estime être problématique.
Il s'agit, pour elle, d'un déni, car l'ignorance de la division internationale du travail, le rétablissement du sujet légal du capital socialisé sont des caractéristiques du poststructuralisme ainsi que du structuralisme. Elle indique :
« L'incapacité de Deleuze et Guattari à prendre en considération les rapports entre désir, pouvoir et subjectivité les rend incapables de formuler une théorie des intérêts. » (Spivak, 2020, p. 22)
Et
« L'attachement exclusif de Foucault à la spéculation "généalogique" l'empêche de situer, dans de "grands noms" comme ceux de Marx et Freud, les moments critiques qui interrompent un certain courant ininterrompu de l'histoire intellectuelle. » (Spivak, 2020, p. 22)
Elle identifie une autre expression du déni de l'idéologie chez Foucault dans la reproduction des rapports sociaux de production. Il s'agit d'une valorisation indiscutée de l'opprimé comme sujet, « être-objet pour Deleuze ». Une telle posture renforcée d'un empirisme contribue à l'empirisme positiviste qui justifie le néocolonialisme capitaliste (Spivak, 2020).
Spivak critique la critique de Deleuze de la représentation qui comprend que cette question ne tient plus parce qu'il ne s'agit que de l'action, de l'action de théorie, de l'action de pratique dans des rapports de réseaux. L'auteure argumente que deux significations de représentation sont interreliées : le sens de « parler pour » tel qu'en politique et le sens re-présentation, mise en scène comme en art ou en philosophie. Sa position est que la pratique radicale doit faire une prise en charge de cette double représentation au lieu d'un sujet individuel dans des concepts totalisants du pouvoir et du désir. Elle étaye son argument en expliquant que :
Ce S/sujet suturé en une transparence par des dénégations, se tient, dans la division internationale du travail, du côté des exploiteurs. Il est impossible aux intellectuels français contemporains d’imaginer le type de Pouvoir et de Désir qui habiteraient le sujet innomé de l’Autre de l’Europe. Ce n’est pas seulement tout ce qu’ils lisent, critique ou non, est pris à l’intérieur du débat sur la production de cet Autre-que ce soit pour soutenir ou critiquer la constitution du Sujet en tant qu’Europe. (Spivak 2020, 43)
Pour Spivak (2020), il s'agit d'une violence épistémique perpétrée sur/contre l'Autre. L'illustration parfaite de cette violence épistémique est le grand projet hétérogène ayant mené à la fabrication du sujet colonial comme Autre. Il désigne aussi l'occultation asymétrique de la trace de cet Autre dans sa précaire subjectivité. Si elle reconnaît que Foucault situe la violence épistémique, une révision totale de l'épistémè, dans la redéfinition de la santé mentale en Europe à la fin du XVIIIe siècle, cependant, elle questionne le fait que celui-ci ne prend en compte qu'une partie de l'histoire, celle de l'Europe alors qu'elle est indissociable de celle des colonies. Pour elle, il ne revient pas de décrire les choses telles qu'elles étaient, mais plutôt de rendre compte du mécanisme de production d'un récit de la réalité comme norme. On peut ainsi entrevoir que contrairement à Saïd et encore plus à Bhabha, Spivak est plus critique envers Foucault.
Elle développe son argument en s'appuyant sur la codification britannique de la loi hindoue qui est structurée en un système unitaire à quatre textes : Sruti, ce que l'on entend ; smriti, ce dont on se souvient ; sastra, ce que l'on a appris d'autrui ; vyavabara, ce que l'on effectue en échange (Spivak, 2020). Elle montre que la production des sujets coloniaux à travers la loi se complète avec l'éducation. Ainsi, les explications culturelles des savants en situation de pouvoir correspondent à un versant de la violence épistémique. En contexte autochtone, An Antane Kapesh (2019) assimile aussi le service d'éducation aux enfants autochtones à un projet de destruction des cultures et langues « indiennes ». Comme pour Coulthard, la politique de reconnaissance vise l'assimilation totale de ces derniers. Spivak (2020, p. 48) argumente que
« [l]a légitimation à travers une vision binaire, de la structure polymorphe de la plateforme légale, "intérieurement" incohérente et ouverte en ses deux extrémités, est le récit de la codification que je propose en guise d'exemple de violence épistémique. »
Elle critique le fait que Deleuze et Foucault ignorent la violence épistémique de l'impérialisme ainsi que la division internationale du travail.
Elle développe aussi une conception de la subalternité pour laquelle elle est critiquée. Sa critique de Foucault et Deleuze sur la représentation, croyant que les « opprimés » n'ont pas besoin d'être représentés, s'enracine dans sa conception de subalterne. Pour elle, les subalternes ont besoin d'être représentés contrairement à la compréhension de ces auteurs. Les subalternes ne peuvent pas parler parce qu'ils/elles ont un accès très limité à « l'impérialisme culturel ». Contrairement à la perspective foucaldienne de l'analyse du discours qui prend ses distances avec toute tentative d'expliquer les discours à partir des non-dits et d'une origine historique, cependant,
« […] l'objectif principal de la déconstruction à laquelle Spivak soumet les textes est de faire apparaître les silences et non-dits qui traversent les discours » (Spivak, 1988, p. 46-76 ; cité dans Huchet, 2022, p. 6).
Je pense que deux problèmes se posent avec la conception de Spivak. Inspirée d'Antonio Gramsci sur cette question du subalterne, l'autrice essaie de poser la problématique des « savants » comme intellectuels organiques d'une classe. Je partage cet aspect parce que, conscients ou pas, les travaux des intellectuels peuvent arranger, renforcer ou nuire à une classe sociale. En ce sens, je suis d'accord avec sa critique de Foucault et Deleuze qui ignorent cet aspect. Toutefois, son approche laisse entendre qu'il existe un rapport d'inégalité et d'inaccessibilité à un ensemble de savoirs qui donne aux intellectuels un certain pouvoir dans la sphère discursive et que cette situation est immuable. On peut se demander si cette conception ne produit pas une hiérarchisation/catégorisation de savoirs qui crée certains comme susceptibles de donner légitimité et pouvoir à leurs détenteurs, et d'autres (subalternes) non parce qu'ils ne sont pas valables ni valides. Le second problème se réfère au fait que sa conception ignore les luttes concrètes et matérielles des subalternes qui peuvent, selon les rapports de force, les amener à obliger leurs interlocuteurs à les entendre sans avoir nécessairement besoin d'un quelconque « intellectuel savant » pour les représenter. En réalité, cette limite peut être liée au choix méthodologique d'accorder la priorité aux documents au lieu des expériences et voix directes des subalternes en lutte. Autrement dit, dans un tel cas de figure, les subalternes se représentent eux-mêmes. Neil Lazarus (2006) critique cette perspective de subalternité qui considère que les subalternes sont incapables de s'exprimer et de se représenter dans un contexte discursif donné. Il commente ainsi la perspective de Spivak :
« Le problème central, avec cette théorisation de la subalternité, c’est que, derrière cette insistance avec laquelle Spivak, de façon rigide et tout à fait partiale, considère le « fossé » des représentations comme un phénomène de ventriloquie politique, elle s’arrange pour déplacer ou différer sans fin d’autres questions, parmi lesquelles une question d’épistémologie touchant non les conditions qui rendent possible la représentation, mais son adéquation, et une question de méthodologie concernant la relation entre théories et pratique. » (Lazarus 2006, pp. 70-71)
Dans une tentative de répondre à ses critiques, Gayatri C. Spivak (2020, p. 132), dans l'annexe de la dernière édition de son livre, explique :
« Quand on dit "ne peuvent pas parler", cela signifie que, si "parler" implique la parole et l'écoute, cette possibilité d'une réponse, la responsabilité, n'existe pas dans la sphère de la subalterne. »
Je vais m'attarder sur l'ouvrage phare de Bhabha, Les lieux de la culture, pour comprendre son apport à la perspective postcoloniale.
Une théorie postcoloniale
« Le travail sur Fanon permet à Bhabha d’apporter à la fois une critique et un point de vue complémentaire à une intervention inaugurale des études postcoloniales : l’analyse des structures du discours colonial dans le livre Orientalism (1978) d’Edward W. Saïd. Si ce dernier s’approprie la pensée de Michel Foucault pour s’intéresser à la constitution intellectuelle d’une formation discursive coloniale, caractérisée par une série d’oppositions culturelles et raciales discriminatoires auxquelles les autres sont soumis, Bhabha cherche davantage à comprendre le fonctionnement de ce discours comme quelque chose qui est issu d’une relation productive, c’est-à-dire de processus d’identification intersubjectifs qui dépassent les simples catégorisations en termes de dominants/dominés. Le discours colonial se trouve ici lié à des mécanismes psychanalytiques où la conscience devient un lieu ambivalent d’identification et de désidentification à l’autre. » (Basto 2008, p. 48)
Dans Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Homi K. Bhabha (2019) utilise l'expression de critique postcoloniale et précise que le préfixe post ne signifie pas une séquentialité ou une polarité (l'antimodernisme) dans le sens où il serait attribué à un « après ». Il désigne un au-delà qui serait, selon lui, la distance spatiale ; il caractérise le progrès et promet le futur. Il n'y a pas, en effet, une séparation nette entre le triptyque ère précoloniale, phase coloniale et période postcoloniale ; elles sont plutôt enchevêtrées (Diop, 2017). Les études postcoloniales correspondent à « un registre de pensée critique et de questionnement » (Kian, 2017). Neil Lazarus (2006) a raison de dire que dans la pensée d'Homi Bhabha le terme postcolonial a cessé d'être une catégorie historique qui désigne une période, notamment l'après-colonialisme. En effet, la critique postcoloniale fait référence aux relations « néocoloniales » qui continuent dans le « nouvel » ordre mondial et la division multinationale du travail (Bhabha, 2019). Il ajoute :
« Une telle perspective permet d’authentifier des histoires d’exploitation et l’évolution de stratégie de résistance. Mais au-delà, la critique postcoloniale porte témoignage de ces pays et ces communautés-du Nord et du Sud, urbains, et ruraux-constitués, si l’on me passe cette expression, “autrement que la modernité”. » (Bhabha, 2019, p. 40)
L'intérêt de l'auteur porte d'abord sur la structuration conceptuelle du théorique et du politique qui régit un ensemble de débats à propos du lieu et du temps de l'intellectuel engagé. Il argumente pour une révision de l'histoire de la théorie critique axée sur la notion de différence culturelle. Il établit une différence entre diversité culturelle et différence culturelle :
« Si la diversité culturelle est une catégorie de l’éthique, de l’esthétique ou de l’ethnologie comparative, la différence culturelle est un processus de signification au travers duquel les affirmations de la culture ou sur la culture différencient, discriminent et autorisent la production de champs de forces, de références, de l’applicabilité et capacité. » (Bhabha, 2019, p. 86)
Il explique que la dépendance au concept de « fixité » dans la construction idéologique de l'altérité caractérise le discours colonial. La fixité comme différence culturelle/historique/raciale dans le discours du colonialisme indique un type de représentation qui
« […] connote la rigidité et un ordre immuable aussi bien que le désordre, la dégénérescence et la répétition démoniaque. De même le stéréotype, qui est sa stratégie discursive majeure, est une forme de savoir et d'identification qui oscille entre ce qui est toujours "en place", déjà connu, et quelque chose qui doit être anxieusement répété […] » (Bhabha, 2019, p. 137).
Son souci n'est pas de faire une critique pour déconstruire le discours colonial afin de mettre en évidence son idéologie. Sur ce point, il se différencie bien de Spivak et même de Saïd dans une certaine mesure. Car Spivak (2019), d'ailleurs influencée par Jacques Derrida, s'inscrit clairement dans cette perspective de déconstruction et montre par exemple comment la critique radicale interne de l'Occident cache la volonté de conserver le sujet de l'Occident ou l'Occident comme sujet.
En revanche, Homi Bhabha (2019, p. 139) affirme :
« Je n'entends pas déconstruire le discours colonial pour révéler ses idées fausses ou ses refoulements idéologiques, pour exulter dans son autoréflexivité, ni pour excuser ses excès. Pour comprendre la productivité du pouvoir colonial, il est crucial de construire son régime de vérité, non de soumettre ses représentations à un jugement normalisant. »
L'effet politique du discours colonial est la discrimination basée sur la race, la couleur de peau, nous dit Bhabha. Ainsi :
« La critique postcoloniale porte témoignage des forces inégales de représentation culturelle impliquées dans la lutte pour l’autorité politique et sociale au sein de l’ordre mondial moderne. Les perspectives postcoloniales émergent du témoignage colonial des pays du tiers monde et des discours des “minorités” au sein des divisions géographiques entre Est et Ouest, Nord et Sud. » (Bhabha, 2019, p. 303)
Homi Bhabha s'appuie sur Jürgen Habermas pour avancer que le projet postcolonial cherche à explorer les pathologies sociales qui ne se bornent pas à l'antagonisme de classes. En fait, sa position postcoloniale exprime aussi un antimarxisme afin de rejeter toute lecture au prisme du matérialisme historique et dialectique. La phrase suivante le traduit, car elle marque une rupture avec les pensées de gauche, notamment les perspectives marxistes du sous-développement comme la théorie de la dépendance :
« La perspective postcoloniale—telle qu'elle est développée par les historiens de la culture et les théoriciens de la littérature—s'écarte des traditions de la sociologie du sous-développement ou théorie de la "dépendance". » (Bhabha, 2019, p. 306)
L'auteur s'inscrit donc dans un révisionnisme qui réfute les analyses du monde « postcolonial » ancrées dans les luttes nationalistes qui mettent l'accent sur les relations du « Premier monde » avec le « Tiers-monde » et les luttes de classes. Neil Lazarus fait aussi cette lecture de l'approche de Bhabha ; il affirme que sa critique postcoloniale s'oppose à l'analyse de classe. Il écrit qu'
« [a]ucune explication n'est donnée en revanche quant aux raisons pour lesquelles le terme "colonial" serait responsable de l'obsolescence supposée de l'analyse de classe » (Lazarus, 2006, p. 63).
Contrairement à Homi Bhabha, Dipesh Chakrabarty accorde une importance à la pensée marxiste et marxienne dans son œuvre Provincialiser l'Europe. Il a ainsi affirmé que :
« Les écrits de Marx constituent donc l’un des moments fondateurs de l’histoire de la pensée anti-impérialiste : les revisiter, c’est retravailler le rapport unissant la pensée postcoloniale à l’héritage intellectuel des Lumières, au rationalisme, à l’humanisme et à l’historicisme. Un livre comme celui-ci ne peut se permettre d’ignorer Marx » (Chakrabarty, 2020, p. 105)
Ces nuances font partie de la complexité de la pensée postcoloniale ; même si les tenants font référence à Marx ou à Foucault, ils et elles n'ont pas nécessairement le même positionnement par rapport à ces auteurs.
La critique postcoloniale de Bhabha pourrait être attribuée à une critique postmarxiste et même postmoderne (Lazarus, 2006). Parry (2006, p. 149) argumente que
« [l]’intérêt exclusif des chercheurs [postcoloniaux] pour la constitution de l’altérité ou de la différence ou pour la production de position subjective silencieuse a eu indéniablement pour effet d’accorder aux discours une prééminence par rapport à l’analyse des conditions matérielles et sociales qui prévalaient à l’époque coloniale et après l’indépendance. »
Cette critique est également partagée par Bancel (2019). Ces propos de Bhabha (2019, p. 306) légitiment ces critiques en avançant que sa critique postcoloniale
« […] tente de réviser ces pédagogies nationalistes ou indigénistes qui posent la relation du tiers monde et du Monde premier dans une structure binaire d’opposition. La perspective postcoloniale résiste à la tentative de formes holistiques d’exploitation sociale. Elle oblige à une reconnaissance des frontières culturelles et politiques plus complexes qui existent à la conjonction de ces sphères politiques. »
Homi Bhabha reconnaît que les chercheurs postcoloniaux sont grandement influencés par Michel Foucault par leur perspective d'analyse de discours, leur conception du savoir et du pouvoir, etc. Il a toutefois mis un bémol en critiquant Foucault de ne pas avoir pris en considération la dimension coloniale. Il argumente que : « En niant le moment colonial comme un présent énonciatif dans la situation historique et épistémologique de la modernité, Foucault ne peut dire grand-chose de la relation transférentielle entre l'Occident et son histoire coloniale. » (Bhabha, 2019, p. 343) Et il se réfère à Fanon pour affirmer que : « Depuis la perspective d'une "tardivité" postcoloniale, Fanon perturbe le punctum de l'homme comme catégorie signifiante, subjectivante de la culture occidentale, comme référence unifiante de valeur éthique. » (Bhabha, 2019, p. 407) Il estime que Fanon réfute la conception dualiste occidentale qui fait de « l'homme noir » un arriéré et il prend ses distances aussi avec le principe de dépassement de la pensée dialectique. Il rapporte que :
« Il rejette la “tardivité” de l’homme noir parce qu’elle n’est que l’inverse du cadrage de l’homme blanc comme universel, normatif-le ciel blanc tout autour de moi : l’homme noir refuse d’occuper le passé dont l’homme blanc est le futur. Mais Fanon refuse aussi le schéma dialectique hégélien-marxiste selon lequel l’homme noir est partie prenante d’un dépassement transcendantal […] » (Bhabha, 2019, p. 408).
L'auteur se perd dans une analyse postcoloniale qui reste au niveau de l'analyse discursive en avançant que :
« l'intervention de la critique postcoloniale vise à transformer les conditions d'énonciation au niveau du signe—où se constitue le domaine intersubjectif—par bien autre chose que l'instauration de nouveaux symboles d'identités, de nouvelles "images positives" alimentant une "politique d'identité" non réflexive. » (Bhabha, 2019, p. 422)
Ainsi, « Bhabha pense toujours avec d'autres voix, entre plusieurs textes, et entre les multiples langues et les voix fracturées qu'il donne à entendre dans les discours qu'il étudie […] » (Joubert, 2009, p. 160).
En somme, les trois ouvrages discutés ici sont reconnus comme fondateurs de la perspective postcoloniale. Cette dernière est critiquée pour une forme d'essentialisation dont elle fait montre ainsi que de son éclectisme méthodologique (Combe, 2009). L'éclectisme n'a pas la même influence chez les auteurs et autrices :
« Mais l'éclectisme n'a certainement pas du tout le même sens et la même portée que chez Bhabha ou Spivak, qui paraissent parfois céder aux effets de mode importés outre-Atlantique (et en retour outre-Manche) par la "French theory"— avec ses coquetteries de style, qui rendent certains textes difficiles — et leur traduction périlleuse. […] Saïd ne manque d'ailleurs pas de critiquer avec véhémence les " jargons, qui n'ont pour effet que de s'aliéner un public potentiellement étendu ". » (Combe, 2009, p. 126-127)
Cependant, pour certains, Homi Bhabha sort de la critique d'essentialisation faite au postcolonial avec sa théorie de l'hybridité. Car, « [l]'hybridité ouvre un espace où se construit un objet colonial nouveau, qui n'est ni le colonisé ni le colonisateur, mais quelque chose d'intermédiaire » (Godin, 2017, p. 19). Après avoir situé le contexte d'émergence du postcolonial et discuté de ces trois ouvrages, je vais discuter dans le prochain texte du Camerounais Achille Mbembe et de la postcolonialité.
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