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Washington et Panama sollicitent l'ONU pour une "Force de suppression des gangs" de 12 mois après les défaillances de la MSS actuelle
NATIONS UNIES — Les États-Unis et le Panama ont soumis au Conseil de sécurité de l'ONU une proposition pour déployer une force de 5 500 membres en Haïti, marquant une escalade majeure de l'intervention internationale face à l'échec relatif de la mission kenyane actuelle qui ne compte que moins de 1 000 hommes sur les 2 500 initialement prévus.
Cette "Force de suppression des gangs" proposée comprendrait 5 500 personnels en uniformes et 50 experts civils, avec pour mandat d'arrêter les chefs de gangs, sécuriser les infrastructures critiques (ports, aéroports, écoles, hôpitaux) et soutenir la police et l'armée locales contre le trafic et la violence.
La proposition intervient dans un contexte d'effondrement sécuritaire critique où les gangs criminels contrôlent environ 90% de la capitale, menant des enlèvements, agressions et pillages qui minent effectivement les institutions et la sécurité haïtiennes. Cette situation s'est aggravée depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, laissant le pays sans leadership national.
La Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) dirigée par le Kenya, lancée en juin 2024, illustre les défis de l'intervention internationale en Haïti. Prévue pour déployer 2 500 personnels, elle n'a pu en acheminer que moins de 1 000 en raison de défaillances de financement et logistiques, révélant l'écart entre les ambitions déclarées et les capacités réelles.
Cette nouvelle proposition américano-panaméenne autoriserait les nations participantes à mener des "opérations indépendantes basées sur le renseignement" ciblant les gangs qui menacent les civils et minent la gouvernance. Ce mandat élargi contraste avec les limitations actuelles de la MSS et suggère une approche plus agressive.
La force proposée serait déployée pour une période initiale de 12 mois avec un financement volontaire des nations soutiens. Cependant, les engagements de participation et de troupes des pays n'ont pas été spécifiés, soulevant des questions sur la faisabilité de cette initiative au regard des difficultés de la MSS actuelle.
Cette proposition représenterait la plus importante escalade d'intervention internationale en Haïti depuis les suites du tremblement de terre de 2010. L'ampleur du déploiement proposé - plus que doubler les effectifs actuels - témoigne de la reconnaissance de l'inadéquation des moyens déployés face à l'ampleur de la crise.
Cependant, plusieurs défis structurels persistent. Le financement volontaire, déjà problématique pour la MSS, risque de reproduire les mêmes insuffisances. L'absence d'engagements concrets de participation soulève des questions sur la capacité à mobiliser effectivement 5 500 hommes supplémentaires.
L'efficacité d'une telle force dépendrait également de sa capacité à opérer dans un environnement urbain complexe où les gangs bénéficient d'un ancrage territorial et d'un soutien logistique local. L'expérience récente de la MSS suggère que même des forces bien équipées peuvent peiner à inverser durablement la dynamique sécuritaire.
La proposition suscite à la fois "optimisme et scepticisme" quant à la capacité des acteurs externes à parvenir à une stabilisation durable. Les précédentes interventions internationales en Haïti, de la MINUSTAH (2004-2017) aux missions antérieures, ont montré les limites de l'intervention militaire sans solution politique durable.
Le sort de cette proposition dépendra du soutien large de l'ONU et d'engagements tangibles de déploiement de troupes. Dans un contexte où les grandes puissances sont engagées sur d'autres théâtres et où les ressources militaires sont sollicitées ailleurs, la mobilisation effective de 5 500 hommes supplémentaires représente un défi considérable.
Cette initiative témoigne néanmoins de la préoccupation internationale croissante face à la dégradation continue de la situation haïtienne et de la recherche d'une action plus décisive contre la violence endémique des gangs, même si les leçons de l'histoire suggèrent la prudence quant aux attentes de résultats durables.