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Le Trésor américain accuse l'ex-chef d'État de faciliter le trafic de cocaïne et de financer des gangs
WASHINGTON — Le département du Trésor américain a annoncé mardi l'imposition de sanctions contre l'ancien président haïtien Michel Joseph Martelly, l'accusant de jouer un rôle déstabilisateur dans la crise actuelle qui secoue Haïti à travers ses liens avec le trafic de drogue et les gangs armés.
Cette décision, prise en vertu du décret présidentiel 14059 du 15 décembre 2021 ciblant les personnes impliquées dans le commerce illicite mondial de drogues, marque une escalade significative dans la pression internationale exercée sur les élites politiques haïtiennes accusées de corruption.
"L'action d'aujourd'hui contre Martelly souligne le rôle significatif et déstabilisateur qu'il a joué, avec d'autres élites politiques corrompues, dans la perpétuation de la crise en cours en Haïti", a déclaré Bradley T. Smith, sous-secrétaire par intérim pour le terrorisme et le renseignement financier.
Selon l'Office de contrôle des avoirs étrangers (OFAC), Martelly, qui a dirigé Haïti de 2011 à 2016, aurait "abusé de son influence pour faciliter le trafic de drogues dangereuses, notamment la cocaïne, destinées aux États-Unis". Les autorités l'accusent également de blanchiment d'argent provenant du trafic de drogue, de collaboration avec des trafiquants haïtiens et de financement de plusieurs gangs basés en Haïti.
Cette annonce intervient dans un contexte où Haïti traverse l'une des pires crises de son histoire moderne. Le pays des Caraïbes est devenu un point de transit majeur pour les drogues illicites entrant aux États-Unis, tandis que la violence des gangs a atteint des niveaux sans précédent, forçant plus de 1.3 millions de personnes à fuir leurs foyers.
Les sanctions imposées par Washington interdisent aux institutions financières américaines d'accorder des prêts ou du crédit à Martelly, prohibent toute transaction de change sous juridiction américaine impliquant l'ancien président, et empêchent les citoyens américains d'investir dans ses actifs.
Martelly avait déjà fait l'objet de sanctions similaires de la part du Canada en novembre 2022, témoignant d'une coordination internationale croissante pour cibler les responsables présumés de la déstabilisation haïtienne.
Cette action s'inscrit dans une stratégie plus large des États-Unis visant à "perturber ceux qui facilitent le trafic de drogue, la corruption et autres activités illicites alimentant l'horrible violence des gangs et l'instabilité politique" en Haïti, selon le communiqué du Trésor.
L'OFAC a coordonné étroitement cette action avec la Drug Enforcement Administration (DEA), soulignant la dimension antidrogue de cette mesure. L'agence a précisé que l'objectif ultime des sanctions n'est pas de punir, mais de provoquer un changement positif de comportement.
Pour Martelly, populaire chanteur de compas devenu président, ces accusations représentent une chute spectaculaire. Élu en 2011 sur une promesse de renouveau après le séisme dévastateur de 2010, il avait quitté le pouvoir en 2016 dans un climat de tensions politiques, laissant derrière lui un pays déjà fragilisé.
Les sanctions américaines reflètent une frustration croissante de Washington face à l'incapacité des élites haïtiennes à stabiliser le pays. Elles interviennent alors que la Mission multinationale de soutien à la sécurité, dirigée par le Kenya, peine à contenir l'expansion territoriale des gangs qui contrôlent désormais environ 90% de Port-au-Prince.
Cette mesure pourrait également compliquer les efforts diplomatiques en cours pour trouver une solution politique à la crise haïtienne, Martelly conservant une influence notable dans le paysage politique national malgré sa sortie de fonction.
Les autorités américaines ont souligné leur engagement à "promouvoir la responsabilité et tracer un avenir plus prospère, démocratique et sûr pour tous les Haïtiens", tout en avertissant que d'autres actions pourraient suivre contre les responsables de la déstabilisation du pays.