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« Entre octobre 2025 et mai 2026, des résultats IPC Phase 4 (Urgence) sont attendus à Cité Soleil, Port-au-Prince, Croix-des-Bouquets » : le rapport documente l'impact de l'ouragan Melissa et du contrôle territorial des gangs sur l'insécurité alimentaire
PORT-AU-PRINCE — Le Famine Early Warning Systems Network (FEWS NET) a publié fin octobre son rapport sur les perspectives de sécurité alimentaire en Haïti pour la période octobre 2025-mai 2026, projetant qu'entre 3,0 et 3,49 millions de personnes auront besoin d'aide alimentaire, avec un pic attendu entre avril et mai 2026. Le document, basé sur des informations disponibles au 31 octobre 2025, révèle que « la persistance de la violence liée aux gangs continue de provoquer des déplacements forcés de la population, de perturber les activités génératrices de revenus et d'affecter le fonctionnement typique des marchés ».
Entre octobre 2025 et mai 2026, des résultats IPC Phase 4 (Urgence) sont attendus à Cité Soleil, Port-au-Prince, Croix-des-Bouquets, « ainsi que parmi les personnes déplacées internes (PDI) vivant dans des sites dans la Zone Métropolitaine de Port-au-Prince (ZMPP) ». Parallèlement, des résultats IPC Phase 3 (Crise) sont anticipés dans plusieurs départements du pays. Le rapport précise que « plus de 1,4 million de PDI sont enregistrées en Haïti, dont environ 210 000 dans des sites précaires dans la ZMPP, avec un accès limité aux marchés et aux services essentiels. Les PDI ont perdu leurs moyens de subsistance et dépendent d'une aide alimentaire limitée et intermittente ».
Le passage de l'ouragan Melissa a causé des pertes importantes de cultures d'automne et de bétail dans le Grand Sud (Sud, Sud-Est, Nippes, Grand'Anse), ainsi que dans certaines parties de l'Ouest et de l'Artibonite. Les inondations ont endommagé des infrastructures de transport clés, des installations sociales et des sites d'abris pour PDI. Selon le rapport, ces impacts « compromettent les revenus et l'accès à la nourriture des ménages affectés et ont conduit à une augmentation du nombre de personnes dans le besoin entre novembre et décembre 2025 ». L'analyse satellite conduite par REACH a évalué l'étendue des zones inondées, identifiant le Grand Sud comme la région la plus affectée. Plus de 15 861 personnes ont été affectées et hébergées dans des abris temporaires, principalement dans le Grand Sud, tandis que plusieurs sites de PDI dans la ZMPP ont été inondés, aggravant les conditions de vie déjà précaires.
L'inflation demeure élevée, atteignant 31,9 pour cent, tandis que l'inflation alimentaire dépasse 35 pour cent en septembre 2025. Les prix ont augmenté de 1,8 pour cent entre août et septembre 2025. « Les prix des denrées alimentaires restent considérablement supérieurs à la moyenne sur cinq ans, réduisant le pouvoir d'achat des ménages », précise le document. En août 2025, des augmentations continues des prix des denrées de base ont été observées, « notamment plus de 13 pour cent pour la farine de blé, plus de 18 pour cent pour l'huile végétale et plus de 9 pour cent pour le riz importé ».
La situation sécuritaire constitue le principal facteur déterminant de l'insécurité alimentaire. « La ZMPP, qui compte une population de près de 3 millions d'habitants, constitue l'épicentre de la violence et environ 90 pour cent est maintenant contrôlé par des groupes armés », indique le rapport. Cette situation a paralysé les activités génératrices de revenus, « particulièrement le commerce informel, la vente ambulante et le travail occasionnel, qui représentent plus de 90 pour cent des revenus des ménages urbains pauvres ». La violence des gangs s'étend maintenant au-delà de la zone métropolitaine, affectant particulièrement les départements de l'Artibonite et du Centre. Les gangs ont établi des points de contrôle sur les routes principales, notamment les routes nationales reliant la capitale au nord, au centre et au sud du pays, où ils imposent des taxes illégales.
Les marchés de Croix-des-Bossales et Croix-des-Bouquets sont « plus de 80 pour cent non fonctionnels en raison de la violence et du pillage ». L'insécurité a conduit à une forte baisse des revenus pour la plupart des ménages, tant déplacés que non déplacés, affectant à la fois les activités formelles et informelles. Le pays a connu sept années consécutives de contraction économique entre 2019 et 2025. Le PIB, « ayant déjà enregistré une baisse de plus de 4 pour cent au cours de l'exercice 2023/24, se contracte davantage en 2024/25, étant donné le contexte actuel de crise sociopolitique et sécuritaire, ainsi que le ralentissement de divers secteurs économiques ».
La production agricole nationale est également affectée par l'insécurité et le manque d'investissement public. L'insécurité a conduit à l'abandon de terres arables, particulièrement dans les départements de l'Artibonite, du Centre et de l'Ouest. « Dans certaines zones clés, comme Liancourt, Verrettes et Petite Rivière de l'Artibonite, les gangs contrôlent les systèmes d'irrigation et imposent des paiements illégaux pour l'accès à l'eau », précise le document. L'abandon des champs et des précipitations inférieures à la moyenne enregistrées au cours du premier semestre 2025 ont contribué à une récolte de printemps inférieure à la moyenne. La production céréalière (maïs, riz, sorgho) a particulièrement chuté de 12 pour cent par rapport à 2023/24 et de 24 pour cent par rapport à la moyenne sur cinq ans.
Sur le plan nutritionnel, UNICEF estime qu'au début d'octobre 2025, « environ 288 500 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë dans le contexte de déplacements massifs et d'effondrement des services de santé ». En juin 2025, 30 376 enfants ont été dépistés dans tout le pays et plus de 9 600 cas de malnutrition aiguë sévère (MAS) ont été admis pour traitement, « près du triple du nombre enregistré en mai ». Cette augmentation reflète une forte pression sur les capacités de soins nutritionnels. Les facteurs aggravants incluent l'insécurité perturbant l'accès aux soins, l'inflation alimentaire réduisant la qualité du régime alimentaire, les maladies hydriques (choléra/diarrhée) et l'accès limité à l'eau potable et à l'assainissement.
L'aide alimentaire humanitaire demeure dramatiquement insuffisante. En octobre 2025, « l'assistance reste largement en deçà du niveau des besoins et fait face à de sévères contraintes opérationnelles et financières ». Le PAM a suspendu les repas chauds pour les personnes nouvellement déplacées et réduit les rations générales de 50 pour cent depuis juin 2025 en raison de défis de financement, et n'a pas pu prépositionnez des stocks alimentaires pour la saison cyclonique. Les partenaires rapportent une couverture intermittente dans la ZMPP et autour des sites de déplacement, avec des interruptions d'accès dues à la violence et aux coûts logistiques élevés. « Les volumes d'aide alimentaire restent insuffisants par rapport à la demande en forte hausse, tandis que le Plan de réponse humanitaire (HRP) 2025 reste sous-financé ».
Le rapport projette que pour la période octobre 2025-mai 2026, « la couverture de l'aide alimentaire devrait être faible. De plus, étant donné la réduction significative des rations depuis juin, les défis de financement et les contraintes logistiques et sécuritaires, il est probable que le niveau d'assistance diminue encore pendant la période de projection ». Entre janvier et 2 novembre 2025, près de 227 000 Haïtiens ont été rapatriés, dont 98 pour cent depuis la République Dominicaine. « Les expulsions devraient se poursuivre pendant la période de projection », indique le document.