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Le Premier ministre revendique un « acte fort » avec la montée du drapeau haïtien malgré le contrôle persistant des gangs sur 90% de Port-au-Prince
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a déclaré mercredi que « l'État reprend progressivement le contrôle du centre-ville de Port-au-Prince » lors d'un Conseil des ministres tenu au Palais national, présenté comme « une étape symbolique et déterminante » dans la reconquête territoriale.
Cette annonce gouvernementale contraste avec les rapports récents documentant que les gangs armés contrôlent près de 90% de la zone métropolitaine de Port-au-Prince selon l'ONU, soulevant des questions sur l'ampleur réelle de cette « reprise progressive ».
Fils-Aimé, « accompagné de l'ensemble des membres du CPT, a salué avec un profond sentiment de patriotisme la montée du drapeau haïtien au centre-ville », qualifiant cet acte de « l'un des plus grands symboles de l'unité et de la souveraineté nationale ». Cette cérémonie symbolique intervient dans un contexte où les institutions gouvernementales fonctionnent depuis des zones sécurisées périphériques.
« L'État haïtien se redresse, pas à pas, avec calme, courage et détermination. Nous reprenons le contrôle de notre capitale et nous rendons à notre peuple la sécurité et la dignité qu'il mérite », a déclaré le Premier ministre, adoptant un registre de reconquête contrastant avec les constats des organisations internationales.
La tenue du Conseil des ministres au Palais national constitue effectivement un geste symbolique fort, cette institution ayant été largement inaccessible aux activités gouvernementales régulières en raison de l'insécurité. Toutefois, la durabilité de cette présence institutionnelle reste à démontrer.
Le gouvernement « réaffirme sa volonté ferme de restaurer la sécurité, de consolider l'autorité de l'État et de garantir l'organisation, dans les plus brefs délais, d'élections inclusives, libres et démocratiques ». Cette perspective électorale intervient alors que les conditions sécuritaires documentées par MSF et le Cluster CCCM révèlent des défis majeurs pour l'organisation de scrutins.
Cette annonce coïncide avec le déploiement imminent de la Force de suppression des gangs de 5 550 membres autorisée par la résolution 2793, suggérant une coordination entre les opérations internationales et la communication gouvernementale sur la reconquête territoriale.
Le « retour effectif des institutions républicaines au cœur de la capitale » revendiqué par la Primature pourrait refléter des gains sécuritaires ponctuels plutôt qu'un contrôle territorial consolidé, compte tenu de la fluidité des positions dans le conflit urbain documenté.
L'engagement à « remettre la nation sur la voie de la stabilité et du progrès » à travers des « élections inclusives » soulève des questions pratiques sur les modalités d'organisation dans un contexte où 1,3 million de personnes sont déplacées selon l'OIM.
Cette communication gouvernementale s'inscrit dans la stratégie de légitimation institutionnelle menée par Fils-Aimé, récemment illustrée par l'annonce de trois centres pénitentiaires de 15 000 places et les initiatives diplomatiques de Laurent Saint-Cyr.
La « résilience du peuple haïtien » saluée par la Primature fait écho aux conditions dramatiques documentées par le Cluster CCCM dans les sites de déplacés, où persistent violences, « prostitution de survie » et discrimination systémique.
Cette annonce de « reprise progressive » nécessitera une validation par des indicateurs concrets de présence étatique durable au-delà des gestes symboliques, dans un contexte où les rapports internationaux continuent de documenter l'emprise territoriale des gangs sur la majorité de l'aire métropolitaine.