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Le Premier ministre promet une « justice plus accessible » en présence de quatre conseillers-présidents et évoque les « pôles judiciaires spécialisés »
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a annoncé lundi la construction de « trois nouveaux centres pénitentiaires d'une capacité totale de plus de 15 000 détenus » lors de la cérémonie solennelle de la rentrée judiciaire 2025-2026 à la Cour de cassation, qualifiant cette mesure d'« avancée majeure dans la lutte contre l'insécurité et le grand banditisme ».
Cette annonce intervient dans un contexte où les prisons haïtiennes font face à une surpopulation chronique aggravée par la crise sécuritaire. La présence de quatre conseillers-présidents - Leslie Voltaire, Edgard Leblanc Fils, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire - témoigne de l'importance accordée par le Conseil présidentiel de transition à cette rentrée judiciaire.
Fils-Aimé, « en sa double qualité de Chef du Gouvernement et de Ministre de la Justice et de la Sécurité publique a.i. », a souligné « l'importance de renforcer les institutions garantes de la justice, de la sécurité et de l'État de droit ». Cette double casquette révèle les défis de gouvernance dans un contexte de crise institutionnelle.
Le Premier ministre a rappelé « plusieurs réalisations significatives de l'exercice 2024-2025 », incluant « la publication du décret portant création des pôles judiciaires spécialisés » et « l'ouverture de deux nouvelles juridictions à Ouanaminthe et Limbé ». Ces initiatives suggèrent une stratégie de décentralisation judiciaire.
L'annonce du « renforcement du système judiciaire à travers la nomination d'une cinquantaine de parquetiers » intervient alors que le système judiciaire fait face à des défis majeurs documentés par les organisations internationales. L'amélioration des « capacités opérationnelles des bureaux d'état civil » répond aux besoins d'identification civile dans un contexte de déplacements massifs.
La cérémonie s'est tenue « en présence des ministres du Gouvernement, des membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, des membres du corps diplomatique et des représentants des organisations de défense des droits humains », illustrant la volonté de légitimation internationale des réformes judiciaires.
Fils-Aimé a insisté que « la justice est une œuvre collective, qui dépasse les seuls engagements du Gouvernement. Elle requiert la rigueur des magistrats, le dévouement et l'éthique des avocats, ainsi que le professionnalisme des auxiliaires de la justice ». Cette approche collaborative contraste avec les critiques récurrentes sur l'indépendance judiciaire.
Le Premier ministre a défini cette rentrée comme « un appel à la responsabilité partagée entre le Gouvernement et le pouvoir judiciaire, en vue de bâtir une justice plus accessible, plus efficace et véritablement au service des citoyens ». Cette rhétorique de partenariat masque les tensions traditionnelles entre exécutif et judiciaire.
L'engagement pour une « justice plus accessible » soulève des questions pratiques dans un contexte où il est estimé que les gangs armés contrôlent près de 90% de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, limitant l'accès physique aux tribunaux.
La construction de centres pénitentiaires d'une telle capacité - 15 000 détenus - révèle les projections gouvernementales sur l'ampleur des arrestations liées aux opérations de la future Force de suppression des gangs de 5 550 membres.
Fils-Aimé a conclu en affirmant que cette rentrée « se veut une invitation à l'unité nationale autour de la justice, pilier de la stabilité, de la paix et du renouveau démocratique ». Cette vision idéaliste contraste avec les défis opérationnels documentés par les rapports internationaux.
La localisation de la cérémonie à la Cour de cassation au Champ de Mars, dans une zone relativement sécurisée, illustre les contraintes géographiques imposées même aux activités judiciaires officielles.