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Augustin Antoine déplore 80 ans d'échecs et annonce un service civique obligatoire pour les étudiants de l'UEH
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le ministère de l'Éducation nationale a annoncé lundi lors de la 59e Journée internationale de l'alphabétisation un projet d'alphabétisation de 1,5 million de personnes sur onze mois, mobilisant 50 000 moniteurs et imposant un service civique obligatoire aux étudiants universitaires.
Cette annonce, faite par le ministre Augustin Antoine lors d'une cérémonie réunissant des membres du gouvernement, des cadres de l'administration publique et le représentant de l'UNESCO, intervient dans un contexte où environ 90% de Port-au-Prince reste sous contrôle des gangs, soulevant des questions sur la faisabilité opérationnelle de cette campagne.
Le ministre a exprimé son "regret de constater que le problème de l'analphabétisme persiste toujours malgré les efforts répétés depuis plus de 80 ans", attribuant cette carence à "une absence de vision politique et de conscience nationale". Cette autocritique institutionnelle reconnaît l'échec des politiques précédentes sans expliquer clairement comment cette nouvelle approche différera des tentatives antérieures.
"Alphabétiser ce n'est pas seulement un simple objectif éducatif pour apprendre les gens à lire, à écrire et à compter. Mais, c'est un processus qui va au-delà d'une simple connaissance des lettres. C'est un projet politique, social et économique", a déclaré Antoine, positionnant cette initiative dans une perspective de transformation sociale globale.
La dimension la plus controversée de l'annonce concerne "la mise en œuvre du Décret portant sur le service civique obligatoire", mobilisant "les étudiants des universités notamment ceux de l'Université d'État d'Haïti". Cette mesure soulève des questions sur la contrainte exercée sur les étudiants et la capacité logistique à déployer ces jeunes dans un environnement sécuritaire dégradé.
Le calendrier prévu d'octobre 2025 à septembre 2026 apparaît ambitieux compte tenu des contraintes d'accès territorial. Avec la majorité de la région métropolitaine inaccessible et plus de 1,3 million de déplacés internes selon l'ONU, l'identification et l'accès aux bénéficiaires représentent des défis logistiques majeurs non abordés dans les annonces officielles.
Le secrétaire d'État à l'alphabétisation Mozart Clerisson a déclaré que "l'alphabétisation a commencé un jour en Haïti. Elle doit aussi y prendre fin un jour. L'alphabétisation ne doit pas être une activité perpétuelle", suggérant une volonté de rupture définitive avec les campagnes cycliques précédentes.
La ministre à la Condition féminine Pedrica Saint-Jean a souligné que l'alphabétisation "est au cœur des enjeux de justice sociale et de transformation durable", positionnant cette initiative dans le cadre plus large des politiques d'équité sociale du gouvernement.
Le représentant de l'UNESCO Éric Voli-Bi a salué cette "décision louable" tout en réitérant le soutien de l'organisation à ce "projet national d'alphabétisation fonctionnelle". Cette approbation internationale pourrait faciliter l'accès à des financements complémentaires pour ce programme ambitieux.
Cependant, l'absence de détails sur le financement, la formation des 50 000 moniteurs, et les mécanismes de sécurisation des activités dans les zones d'insécurité soulève des questions sur la crédibilité opérationnelle de cette annonce. La simultanéité avec les efforts diplomatiques pour obtenir une intervention militaire internationale suggère une stratégie de communication sur la normalisation progressive malgré la crise.
Cette initiative d'alphabétisation s'inscrit dans une séquence d'annonces gouvernementales visant à projeter une capacité de planification à moyen terme, parallèlement aux négociations sur la transformation de la MMAS en Force de répression des gangs.