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Haïti : 1,3 million de déplacés internes, un record historique

Haïti : 1,3 million déplacés internes, record historique. Violence s'intensifie malgré mission internationale. HRW réclame transformation urgente MSS.

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Un an après le déploiement de la Mission multinationale d'appui à la sécurité, la violence s'intensifie en Haïti. Le nombre de déplacés internes atteint des niveaux sans précédent selon Human Rights Watch, qui appelle à transformer la MSS en mission pleine de l'ONU.

La crise sécuritaire haïtienne a franchi un nouveau seuil critique. Près de 1,3 million de personnes ont dû fuir leur domicile à cause de la violence, représentant désormais 11% de la population du pays, selon un rapport publié le 25 juin 2025 par Human Rights Watch (HRW). Il s'agit du nombre le plus élevé de déplacés internes jamais enregistré en Haïti, d'après l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Une mission internationale aux capacités limitées

Un an après l'arrivée des premiers contingents de la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MSS) autorisée par l'ONU, le bilan reste alarmant. Au moins 2 680 personnes ont été tuées et 957 blessées selon les chiffres onusiens. Plus préoccupant encore, les violations graves contre les enfants ont explosé, passant de 383 cas en 2023 à 2 269 en 2024. Le recrutement de mineurs par les groupes armés a été multiplié par 12.

"Tous les jours, la violence oblige des centaines d'Haïtiens à fuir, sans rien d'autre que les vêtements qu'ils portent", déclare Nathalye Cotrino, chercheuse senior à HRW. La MSS ne compte actuellement que 991 agents déployés par le Kenya, le Guatemala, El Salvador, la Jamaïque et les Bahamas, soit moins de 40% des 2 500 prévus initialement.

Des attaques dans les zones autrefois sûres

Depuis début 2025, les groupes criminels ont intensifié leurs offensives dans des secteurs jusque-là épargnés. Port-au-Prince et sa zone métropolitaine, mais aussi Mirebalais, Saut-d'Eau dans le Centre, et Petite Rivière dans l'Artibonite, sont touchés. Ces violences ont provoqué le déplacement de plus de 245 000 personnes selon l'OIM.

Les équipes de HRW, qui ont mené des entretiens au Cap-Haïtien entre avril et mai 2025, ont recueilli 33 témoignages de déplacés. Parmi eux, de nombreux étudiants et professionnels qui menaient une vie stable avant les attaques. "Je vivais bien dans mon quartier, c'était tranquille. Puis soudain, les problèmes de sécurité ont commencé", raconte un étudiant en génie civil de 23 ans, dont le frère de 19 ans a été tué lors d'une attaque en mars.

Des tactiques de terreur systématiques

Les groupes armés emploient désormais des méthodes de plus en plus sophistiquées. Plusieurs témoins rapportent l'utilisation d'applications mobiles pour envoyer des messages audio menaçants, donnant aux résidents quelques heures pour fuir. "Les bandits nous ont envoyé des messages pour nous alerter. Ils ont tout rasé. La police est partie", témoigne un plombier de 38 ans qui a perdu sa maison.

Selon les fonctionnaires onusiens, ces tactiques visent à dépeupler systématiquement certaines zones pour permettre aux groupes criminels d'étendre leur contrôle territorial. Les incendies de maisons en périphérie des quartiers ciblés forcent résidents et policiers à fuir.

Des déplacements multiples et périlleux

Beaucoup de déplacés ont dû fuir plusieurs fois, d'abord vers d'autres quartiers de Port-au-Prince, puis vers des villes plus éloignées comme le Cap-Haïtien. Les trajets en bus sont dangereux, les groupes armés contrôlant les principales routes et extorquant les passagers aux postes de contrôle.

Une femme de 37 ans de Cabaret témoigne avoir fui plusieurs fois pour protéger sa fille de 14 ans du risque de violence sexuelle. Après s'être réfugiée à Mirebalais, elle a dû fuir à nouveau lors d'attaques fin mars : "Mon mari est sorti travailler, peindre une maison. Je n'ai plus de nouvelles depuis. J'espère seulement qu'il n'est pas mort."

Une crise humanitaire sans précédent

Les conditions dans les 246 sites de refuge improvisés recensés sont qualifiées d'"inhumaines" par le Défenseur du peuple haïtien. Chaque site abrite en moyenne 2 000 personnes, principalement des femmes et des filles (55%), dans des écoles ou espaces publics surpeuplés. Plus de 8 400 personnes dans ces sites sont en situation de famine selon la Classification intégrée des phases de sécurité alimentaire.

Le Plan de réponse humanitaire de l'ONU, visant à assister 3,9 millions de personnes sur les 6 millions dans le besoin, n'est financé qu'à hauteur de 8%. L'absence de plan national du gouvernement de transition pour les déplacés internes aggrave la situation.

Un appel urgent à l'action internationale

Face à cette catastrophe humanitaire, HRW appelle le Conseil de sécurité de l'ONU à transformer la MSS en mission pleine de l'ONU, dotée des moyens nécessaires pour protéger efficacement la population. La mission a encore besoin de financements pour maintenir ses opérations jusqu'en décembre et installer 9 des 12 bases opérationnelles prévues.

"La violence en Haïti empire chaque jour", conclut Nathalye Cotrino. "Combien faut-il d'assassinats, de viols, d'enlèvements et d'enfants recrutés pour que les gouvernements se réveillent et réalisent ce qui doit être fait?" L'urgence d'une réponse internationale renforcée devient chaque jour plus criante face à l'ampleur de la tragédie humanitaire qui se déroule aux portes des Amériques.

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