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Selon le dernier bulletin trimestriel du secteur sécurité alimentaire, 5,7 millions d'Haïtiens font face à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë entre avril et juin 2025. Cette situation, qui représente 51% de la population analysée, constitue un record historique aggravé par la violence des gangs et l'effondrement économique en cours.
Les chiffres du deuxième trimestre 2025 dressent un tableau alarmant de la situation alimentaire en Haïti. Avec 5,7 millions de personnes confrontées à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë, le pays franchit un seuil historique qui témoigne de l'ampleur de la crise multidimensionnelle qu'il traverse.
Cette détérioration marquée représente une augmentation de 200 000 personnes par rapport à l'analyse d'août 2024, qui en comptait 5,5 millions. Plus préoccupant encore, plus de 8 400 personnes vivant dans des sites de déplacés souffrent d'une faim catastrophique correspondant à la phase 5 de l'IPC (Catastrophe), le niveau le plus critique de l'échelle de classification.
Géographie de la faim
La répartition géographique de l'insécurité alimentaire révèle une fracture territoriale inquiétante. Alors que 2,1 millions de personnes (19% de la population analysée) se trouvent en phase 4 de l'IPC (urgence), 3,6 millions (32%) sont classées en phase 3 (crise). Cette progression dans les niveaux de sévérité s'accompagne d'une expansion géographique de la violence qui touche désormais des régions jusqu'alors relativement épargnées.
L'Artibonite et le Centre, traditionnels greniers du pays, subissent une détérioration particulièrement marquée. Les attaques coordonnées contre Mirebalais et Saut d'Eau ont permis aux groupes armés d'étendre leur contrôle géographique, perturbant les circuits de distribution alimentaire et isolant des communes entières comme Lascahobas et Belladère.
Un système alimentaire fragilisé
Au-delà des chiffres, c'est tout l'écosystème alimentaire haïtien qui vacille. Le coût du panier alimentaire national pour une famille de cinq personnes a augmenté de 3%, passant de 25 598 gourdes en mars à 26 387 gourdes en avril 2025. Cette inflation persistante érode davantage le pouvoir d'achat des groupes vulnérables, particulièrement les 1,3 million de personnes déplacées internes.
La campagne agricole de printemps 2025 illustre parfaitement cette fragilisation systémique. Affectée par la variabilité climatique, les déficits d'approvisionnement en semences et l'insécurité, elle n'a pu fournir qu'une performance mitigée malgré son importance cruciale pour la sécurité alimentaire nationale.
Défis humanitaires majeurs
Face à cette crise, la réponse humanitaire peine à suivre le rythme de dégradation. Durant la période janvier-juin 2025, les interventions des partenaires du secteur sécurité alimentaire ont permis d'atteindre 1,56 million de personnes, soit un taux de réalisation de 45,4% sur les 3,4 millions ciblées.
L'assistance alimentaire d'urgence a touché 1,34 million de personnes, principalement à travers des bons d'achats et transferts monétaires (38%) et des distributions en nature (61%). Parallèlement, les activités d'appui à la production agricole ont atteint plus de 314 000 personnes, soit seulement 29% de la cible fixée à 1,1 million.
Implications pour l'enseignement supérieur
Pour la communauté universitaire haïtienne, cette crise alimentaire revêt une dimension particulière. L'insécurité alimentaire touche directement les familles d'étudiants, compromettant leur capacité à poursuivre leurs études. Les universités, déjà fragilisées par la fermeture d'établissements due à l'insécurité, doivent désormais intégrer la dimension nutritionnelle dans leur approche d'accompagnement estudiantin.
Les programmes de cantines scolaires, comme ceux mis en œuvre par le PAM avec près de 20 millions de repas distribués à plus de 496 000 élèves, offrent un modèle d'intervention qui pourrait inspirer des initiatives similaires dans l'enseignement supérieur. L'utilisation quasi exclusive de produits locaux dans ces programmes démontre qu'il est possible de concilier soutien alimentaire et développement économique local.
Perspectives et défis structurels
Les besoins financiers pour la réponse sectorielle 2025 s'élèvent à 425 millions de dollars américains, avec seulement 2,7% des fonds mobilisés au deuxième trimestre. Cette sous-financement chronique, aggravé par la "coupure drastique de financements américains" mentionnée dans le rapport, compromet la capacité de réponse face à une crise qui s'aggrave.
L'expansion territoriale de la violence vers l'Artibonite et le Centre pose des défis logistiques majeurs. Avec 234 contraintes d'accès humanitaire signalées entre mars et mai 2025, l'acheminement de l'aide devient de plus en plus complexe, particulièrement vers les zones nouvellement affectées par l'insécurité.
Le record historique de 5,7 millions d'Haïtiens en insécurité alimentaire aiguë cristallise l'ensemble des crises que traverse le pays. Cette situation interpelle particulièrement le monde académique haïtien, appelé à repenser ses paradigmes de développement face à l'urgence alimentaire. Pour les universités, l'enjeu dépasse la simple formation : il s'agit de contribuer à l'élaboration de solutions innovantes pour un système alimentaire résilient. La mobilisation urgente de ressources annoncée par les acteurs humanitaires ne suffira pas sans une transformation structurelle des approches de développement rural et urbain. L'avenir alimentaire d'Haïti se joue aujourd'hui, et la communauté universitaire a un rôle crucial à jouer dans cette bataille contre la faim qui touche plus d'un Haïtien sur deux.