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Haïti entre initiatives institutionnelles et réalités sécuritaires: l'actualité en bref

Voici ce qu'il faut retenir aujourd'hui: multiplication des initiatives fictives pendant que l'État perd ses derniers territoires et capacités opérationnelles.

Table des matières

La semaine du 21-25 juillet 2025 expose la schizophrénie institutionnelle haïtienne. L'État inaugure des centres d'appel, envoie des soldats en formation, révise des plans décennaux, tout en étant incapable de payer sa police ou protéger sa population. Cette hyperactivité administrative masque mal l'effondrement réel : 85% du territoire perdu, forces de sécurité en déroute, services publics inexistants.

HAÏTI | Gouvernance — Centre d'appel 105 dans un État absent — Le 25 juillet 2025, le CPT a inauguré un centre d'appel anti-corruption (numéro 105) en présence des directeurs de la DGI et des Douanes. Fritz Alphonse Jean promet « transparence » et « suivi rapide » des plaintes contre l'administration. Cette initiative intervient paradoxalement alors que l'État ne contrôle que 15% de Port-au-Prince et que les services publics sont inexistants dans 85% du territoire. Comment traiter des plaintes sur des services fantômes ? Les douanes de Port-au-Prince sont sous influence des gangs qui prélèvent leur dîme. Ce numéro gratuit apparaît comme une façade technologique masquant l'absence totale de capacité étatique.

HAÏTI | Défense — 150 soldats envoyés au Mexique pendant l'effondrement sécuritaire — Le 24 juillet 2025, le Premier ministre Fils-Aimé a assisté au départ de 150 militaires (dont 15 femmes) pour trois mois de formation au Mexique, première cohorte d'un programme visant 700 soldats. Il évoque « rétablir l'ordre républicain » et « restaurer l'autorité de l'État ». Cette initiative intervient alors que les FAd'H, recréées en 2017, restent marginales face aux gangs contrôlant 85% de Port-au-Prince. Envoyer des recrues se former à l'étranger pendant que le territoire national s'effondre questionne les priorités : ces soldats reviendront-ils dans un pays encore debout ? L'armée fantôme peut-elle affronter des gangs surarmés ?

HAÏTI | Sécurité — L'illusion militaire face à la réalité des gangs — Le 24 juillet 2025, la cérémonie militaire révèle le décalage stratégique haïtien. Former 700 soldats sur plusieurs années quand 4 900 personnes ont été tuées en neuf mois illustre l'inadéquation temporelle. Les FAd'H comptent environ 2 000 membres mal équipés face à des gangs estimés à 30 000 combattants avec armes lourdes. Cette coopération mexicaine, bien que louable, ressemble à une goutte d'eau face au tsunami sécuritaire. Pendant ces trois mois de formation, combien de territoires supplémentaires tomberont sous contrôle criminel ? L'État mise sur le long terme dans une crise qui exige l'immédiat.

HAÏTI | Éducation — Révision d'un plan décennal dans un système effondré — Le 25 juillet 2025, le MENFP finalise la Revue Sectorielle Conjointe de l'Éducation pour évaluer le PDEF 2020-2030, avec l'appui de l'UNESCO et du PME. Neuf ateliers thématiques et départementaux ont mobilisé des acteurs étatiques et non-étatiques depuis février. Cette évaluation « à mi-parcours » intervient paradoxalement alors que 1,2 million d'enfants sont déscolarisés, 1 000 écoles fermées et le ministère impuissant face à l'effondrement. Évaluer « gouvernance, qualité et équité » quand l'État ne contrôle que 15% du territoire relève de l'exercice bureaucratique déconnecté. Comment ajuster un plan décennal quand le système éducatif n'existe plus dans la majorité du pays ?

HAÏTI | Analyse — La planification éducative face au néant — Le 25 juillet 2025, la RSCE révèle l'absurdité administrative haïtienne. Organiser des ateliers dans neuf départements alors que plusieurs sont inaccessibles, évaluer l'« éducation inclusive » quand les élèves fuient les gangs, mesurer la « formation professionnelle » avec des centres pillés. Les consultants produiront un rapport sur des « faiblesses » évidentes : État absent, écoles-refuges, enseignants déplacés. Cette revue sectorielle documente méthodiquement un plan décennal devenu fiction, pendant que la génération 2020-2030 grandit sans éducation, transformant l'avenir du pays en catastrophe annoncée.

HAÏTI | Analyse — La numérisation de l'impuissance publique — Le 25 juillet 2025, l'inauguration du 105 révèle le décalage entre ambitions numériques et réalité territoriale. Promettre l'interconnexion DGI-Douanes quand les gangs contrôlent les principaux corridors commerciaux relève de l'illusion technocratique. Avec 1,3 million de déplacés internes et des institutions bunkerisées, qui appellera pour se plaindre de corruption alors que la survie prime ? Ce centre d'appel risque de documenter l'effondrement plutôt que de le résoudre, transformant les plaintes citoyennes en archives de l'impuissance étatique face au chaos généralisé.

HAÏTI | Sécurité — Police sous-financée face aux gangs surarmés — Le 23 juillet 2025, la PNH clarifie avoir reçu seulement 177,1 millions de gourdes sur 272,3 millions sollicités (65%) pour ses opérations dans l'Ouest, Centre et Artibonite. L'institution accumule quatre mois de dettes impayées. Les fonds manquants affectent Kenscoff (17,6 millions), Gressier (19,1 millions) et les côtes de Port-au-Prince (24,8 millions). Cette pénurie budgétaire intervient alors que les gangs contrôlent 85% de la capitale avec des armes lourdes. Comment mener des « opérations sur plusieurs fronts » sans carburant ni réparations de véhicules face à des criminels mieux équipés et financés ?

HAÏTI | Gouvernance — L'État finance sa police au compte-gouttes — Le 23 juillet 2025, la note de la PNH révèle l'abandon financier des forces de l'ordre. Quatre mois d'arriérés, 35% de budget amputé, aucun chèque encore délivré malgré l'urgence. Les policiers combattent sans per diem ni restauration garantis dans l'Artibonite et Mirebalais, zones d'expansion des gangs. Cette négligence budgétaire explique partiellement les désertions massives et l'inefficacité opérationnelle. Un État qui ne peut financer sa police reconnaît implicitement sa capitulation face au crime organisé, transformant les opérations annoncées en gesticulations désespérées.

HAÏTI | Justice — Formation VBG pour une police débordée par la violence — Du 23 au 25 juillet 2025, 25 policiers (dont 15 femmes) ont suivi une formation sur les violences sexuelles à Pétion-Ville, financée par le Canada via HCDH et OEA. Les participants venaient de Delmas 33, Kenscoff, BPM et EDUPOL pour apprendre les « techniques d'investigation » et l'« accompagnement des victimes ». Cette initiative intervient alors que les viols collectifs par les gangs explosent, utilisés comme arme de guerre. Avec seulement 15% du territoire sous contrôle policier et des commissariats assiégés, former 25 agents apparaît dérisoire face à l'ampleur des violences sexuelles systématiques documentées par l'ONU.

HAÏTI | Société — Les violences sexuelles, arme de terreur impunie — La formation du 23-25 juillet 2025 sur les VBG révèle le paradoxe sécuritaire haïtien. Former des enquêteurs quand le système judiciaire s'est effondré : tribunaux fermés, juges en fuite, prisons contrôlées par les gangs. Les organisations féministes rapportent des centaines de viols collectifs depuis octobre 2024, souvent filmés pour terroriser. Les victimes n'osent porter plainte, craignant représailles dans les quartiers sous emprise criminelle. Cette formation technique, bien qu'utile, ne peut masquer l'impuissance structurelle face à l'utilisation systématique du viol comme outil de domination territoriale.

Cette semaine cristallise le déni étatique face à sa propre disparition. Chaque initiative - du numéro anti-corruption au plan éducatif - documente l'écart grandissant entre prétentions institutionnelles et vide territorial. L'État haïtien perfectionne l'art de gouverner le néant, multipliant les annonces pendant que les gangs consolident leur emprise. La bureaucratie survit à l'État qu'elle était censée servir.

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