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Haïti fait appel au militaire privé américain dans sa lutte désespérée contre les gangs

Le gouvernement haïtien a signé un contrat avec le fondateur de Blackwater pour mener des opérations létales contre les groupes criminels qui terrorisent le pays.

Jimmy Chérizier, alias "Barbecue", chef de la coalition de gangs G9, entouré de membres armés de son groupe dans un bâtiment abandonné de Port-au-Prince.

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Dans un geste qui illustre le niveau de désespoir atteint par Haïti, le gouvernement de la nation caribéenne a fait appel à Erik Prince, le controversé fondateur de Blackwater et proche allié du président Trump, pour l'aider à combattre les gangs qui menacent de prendre le contrôle total de la capitale Port-au-Prince.

Un contrat secret aux contours flous

Selon des informations révélées par le New York Times ce mercredi, Erik Prince, entrepreneur militaire privé notoire, a signé un contrat avec les autorités haïtiennes pour mener des opérations létales contre les groupes criminels qui sèment la terreur dans le pays depuis plusieurs années.

Le gouvernement haïtien a recruté des contractuels américains, dont Prince, pour travailler au sein d'une force d'intervention secrète déployant des drones destinés à éliminer les membres de gangs, selon plusieurs experts en sécurité cités par le quotidien américain. L'équipe de Prince opère ces drones depuis mars dernier, bien qu'aucune mort ou capture de cible de haute valeur n'ait été officiellement annoncée.

Une escalade militaire préoccupante

Les révélations du New York Times indiquent qu'Erik Prince procède actuellement au recrutement de vétérans militaires haïtiano-américains en vue de les déployer à Port-au-Prince. Jusqu'à 150 mercenaires pourraient être envoyés en Haïti au cours de l'été, selon les sources du journal. Prince aurait également récemment expédié un important arsenal d'armes vers le pays.

Cette militarisation de la réponse à la crise haïtienne marque un tournant inquiétant. Depuis que les attaques par drones ont commencé en mars, plus de 200 personnes auraient été tuées, selon Pierre Esperance, dirigeant d'une organisation de défense des droits humains basée à Port-au-Prince.

Un contexte de crise humanitaire sans précédent

Cette intervention intervient dans un contexte catastrophique pour Haïti. Depuis l'assassinat du dernier président élu Jovenel Moïse en 2021, les groupes armés ont escaladé la violence en s'unissant pour prendre le contrôle de prisons, incendier des postes de police et attaquer des hôpitaux.

Près d'un million de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers, et des centaines de milliers vivent désormais dans des abris de fortune. Les gangs contrôlent désormais une telle portion du territoire que les responsables de l'ONU ont averti que la capitale risquait de tomber complètement sous contrôle criminel.

L'échec de la mission internationale

Cette situation désespérée s'explique en partie par l'échec relatif de la mission de police internationale de 600 millions de dollars lancée par l'administration Biden et largement composée d'officiers de police kényans. Cette mission n'a pas reçu le personnel international et les financements adéquats nécessaires à son succès.

Face à une force de police haïtienne en sous-effectif et sous-équipée, le gouvernement se tourne donc vers des contractuels militaires privés équipés d'armes de haute puissance, d'hélicoptères et de drones sophistiqués de surveillance et d'attaque.

Un homme aux antécédents controversés

Erik Prince n'en est pas à son premier rodéo dans les interventions militaires privées. Son entreprise Blackwater avait défrayé la chronique pour un massacre de civils en Irak en 2007, où 17 personnes avaient été tuées par ses employés. Le président Trump avait d'ailleurs gracié quatre gardes de Blackwater en 2020.

Plus récemment, Prince a été accusé par les Nations Unies de violation d'un embargo sur les armes en Libye, accusations qu'il a niées. Il avait également été impliqué dans le recrutement d'anciens espions pour infiltrer des groupes libéraux aux États-Unis.

Des inquiétudes sur la supervision

Rod Joseph, un vétéran haïtiano-américain de l'armée américaine qui possède une entreprise de formation d'agents de sécurité en Floride, a révélé au New York Times avoir été en pourparlers avec Prince depuis la fin de l'année dernière pour fournir du personnel à son contrat.

Joseph exprime ses préoccupations concernant l'idée que des contractuels travaillent directement avec le gouvernement haïtien, sans supervision américaine : "Nous devrions être très inquiets, car s'il relève du gouvernement américain, au moins il peut avoir l'apparence de devoir répondre au Congrès. Si c'est lui, son contrat, il ne doit d'explication à personne."

Une solution controversée mais désespérée

Malgré les controverses, les experts soulignent que les Haïtiens sont désespérés et prêts à accepter de l'aide, peu importe sa provenance. "Les portes sont ouvertes. Toutes les possibilités doivent être sur la table", a déclaré le ministre haïtien de l'Économie et des Finances, Alfred Métellus, au journal haïtien Le Nouvelliste le mois dernier.

Cette situation illustre tragiquement l'ampleur de la crise qui frappe Haïti et l'échec des solutions conventionnelles face à une violence qui semble désormais hors de contrôle. Reste à voir si l'intervention d'Erik Prince apportera la stabilité recherchée ou si elle ne fera qu'ajouter une nouvelle couche de complexité à une crise déjà explosive.


Informations basées sur les révélations du New York Times du 28 mai 2025, par David C. Adams, Frances Robles et Mark Mazzetti.

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