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L'UNFPA lance un appel urgent pour soutenir 1,2 million de femmes menacées par les violences sexuelles. Avec seulement 8% de financement reçu sur les 29 millions nécessaires, l'agence onusienne met en garde contre un "point de non-retour".
La situation des femmes et des filles en Haïti a atteint un niveau critique alarmant, selon un rapport publié le 27 juin 2025 par le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Avec 1,3 million de personnes déplacées depuis fin 2024 et 1,2 million de femmes et filles nécessitant une protection urgente contre les violences basées sur le genre, l'agence onusienne tire la sonnette d'alarme sur une crise qui risque d'atteindre "un point de non-retour".
Des témoignages qui révèlent l'horreur quotidienne
Le récit de Jeanette, 18 ans, illustre tragiquement la réalité vécue par des milliers de femmes haïtiennes. Violée lors de l'attaque de sa maison à Port-au-Prince, elle est tombée enceinte de son agresseur et a dû accoucher seule dans un camp de déplacés. "J'ai accouché par terre au camp avec l'aide d'une femme. Elle me réclame toujours de l'argent parce que je n'ai pas pu la payer", confie-t-elle à l'UNFPA.
Désormais mère de deux enfants, dont un nouveau-né, Jeanette vit dans des conditions précaires. Grâce au soutien de l'UNFPA, elle a pu recevoir des soins postnataux à l'hôpital Eliazar Germain, mais son avenir reste sombre : "Mes enfants ont des problèmes de santé et je ne vais plus à l'école."
Un système de santé au bord de l'effondrement
Minouche, 40 ans, représente un autre visage de cette tragédie. Violée et battue par quatre hommes armés alors qu'elle était enceinte de six mois, elle souffre également de diabète, d'hypertension et de calculs rénaux - des complications potentiellement mortelles pendant la grossesse. L'intervention de l'UNFPA et de son partenaire FOSREF lui a sauvé la vie, permettant un accouchement par césarienne réussi.
"Je mendie dans les rues pour survivre. J'ai toujours peur", témoigne cette mère de quatre enfants qui souffre également de troubles auditifs. "Les gens se moquent parfois de moi parce que j'ai été violée. J'ai réussi à tenir grâce à l'aide et au soutien que j'ai reçus."
Des services essentiels sous pression extrême
Face à l'escalade de violence orchestrée par les gangs armés pour contrôler la capitale, l'UNFPA lutte pour maintenir ses services vitaux. L'agence soutient quatre espaces sûrs dans la région de Port-au-Prince pour les survivantes ou celles menacées de viol, d'abus, d'extorsion ou de trafic. Cependant, trois de ces espaces ont récemment été contraints de fermer et de se relocaliser à cause de la violence.
Les équipes mobiles de santé de l'UNFPA continuent de se déployer sur les sites de déplacement pour fournir des soins de santé sexuelle et reproductive, ainsi que des kits sanitaires essentiels, bien que dans des zones réduites. Des services de ligne d'assistance téléphonique pour le soutien psychosocial restent opérationnels, mais l'accès demeure extrêmement limité : seulement un quart des survivantes de viol reçoivent des soins dans les 72 heures critiques.
Une crise sanitaire qui s'aggrave
La situation s'est encore détériorée récemment lorsqu'une livraison de fournitures médicales destinée à l'Hôpital universitaire d'État de Port-au-Prince a dû être suspendue en raison de la présence de gangs armés. Parallèlement, l'UNFPA a commencé le dépistage de la tuberculose et du VIH dans les camps de déplacés, alors que des épidémies de choléra sont également signalées en augmentation.
La crise alimentaire aggrave encore la situation : 5,7 millions de personnes - plus de la moitié de la population - font face à une faim aiguë, les femmes enceintes et les nouvelles mères étant particulièrement exposées au risque de malnutrition. L'UNFPA enregistre également 80 accouchements par semaine près de la frontière dominicaine, y compris des césariennes, suite aux déportations de femmes enceintes depuis la République dominicaine voisine.
Un appel urgent face au manque de financement
L'UNFPA fait face à un déficit de financement catastrophique de 90% pour sa réponse humanitaire dans certaines des crises les plus négligées au monde. Pour Haïti, l'agence a lancé un appel de près de 29 millions de dollars pour 2025 afin de renforcer et d'étendre ses services, mais seulement 8% de cette somme a été reçue jusqu'à présent.
Cette insuffisance de financement a des conséquences dramatiques : chaque mois, plus de 50 000 femmes n'ont pas accès aux services de santé sexuelle et reproductive, et plus de 19 000 restent sans soutien face aux violences basées sur le genre. Sans financement suffisant, l'assistance humanitaire en Haïti pourrait devenir insoutenable, mettant en péril la vie de millions de personnes.
La communauté internationale se trouve face à un choix crucial : agir maintenant pour éviter une catastrophe humanitaire totale ou laisser la situation atteindre ce "point de non-retour" dont l'ONU met en garde. Pour les femmes et les filles comme Jeanette et Minouche, chaque jour qui passe sans aide supplémentaire réduit leurs chances de survie et de reconstruction.