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Laurent Saint-Cyr confie une "responsabilité sans précédent" pour la justice réparatrice et la documentation de la dette coloniale
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le président du Conseil présidentiel de transition, Laurent Saint-Cyr, a procédé lundi à la remise officielle des ampliations aux 21 membres du Comité national haïtien de restitution et de réparation (CNHRR), marquant l'entrée en fonction de cette instance nationale lors d'une cérémonie à la Villa d'Accueil.
Cette initiative intervient stratégiquement au lendemain de la participation d'Edgard Leblanc Fils au sommet CARICOM-Union africaine sur les réparations en Éthiopie, illustrant une approche coordonnée de la diplomatie haïtienne sur cette question historique.
"Par cette décision, l'État haïtien vous confie une responsabilité sans précédent : rappeler au monde que la justice réparatrice n'est pas un luxe, mais une nécessité", a déclaré Saint-Cyr lors de la cérémonie en présence de conseillers présidents, membres du gouvernement, représentants de la société civile et du monde académique.
Le mandat du CNHRR s'articule autour de quatre axes principaux : concevoir et déployer la stratégie diplomatique nationale en matière de réparations en coordination avec les hautes instances de l'État ; constituer une documentation scientifique et juridique "irréfutable" sur l'impact multidimensionnel de la dette coloniale ; orchestrer une mobilisation citoyenne et internationale ; et forger des alliances stratégiques durables avec les partenaires régionaux et internationaux.
Cette démarche s'inscrit dans le contexte historique de la dette de l'indépendance imposée par la France en 1825, évaluée par certains économistes à plus de 20 milliards de dollars actuels. Haïti avait fini de rembourser cette dette seulement en 1947, soit 122 ans après son imposition.
Cependant, le timing de cette initiative soulève des questions sur les priorités gouvernementales. Alors qu'environ 90% de Port-au-Prince reste sous contrôle des gangs et que plus d'1,3 million de personnes sont déplacées, l'allocation de ressources à une démarche diplomatique de long terme interroge sur l'adéquation avec les urgences immédiates.
L'efficacité de ce comité dépendra largement de sa capacité à mobiliser un soutien international concret dans un contexte où les partenaires traditionnels d'Haïti sont davantage préoccupés par la stabilisation sécuritaire immédiate que par les questions de réparations historiques.
La composition de 21 membres n'a pas été détaillée, mais la mention de représentants du monde académique suggère une approche scientifique de la documentation des préjudices. Cette méthodologie sera cruciale pour la crédibilité internationale de la démarche.
L'accent mis sur la coordination avec la CARICOM et les instances multilatérales s'aligne avec la stratégie régionale observable au sommet d'Addis-Abeba, où plusieurs pays caribéens partagent des revendications similaires concernant l'héritage de l'esclavage et de la colonisation.
Saint-Cyr a exhorté les membres à se laisser guider par "l'excellence, la rigueur scientifique et l'amour inconditionnel de la patrie", établissant des standards élevés pour une démarche qui nécessitera un travail de recherche approfondi et une diplomatie sophistiquée.
Cette initiative témoigne de la volonté du Conseil présidentiel de transition de maintenir une agenda politique au-delà de la gestion de crise, positionnant Haïti dans une démarche de justice transitionnelle élargie qui inclut les préjudices historiques.
Le succès de cette démarche dépendra de la capacité du CNHRR à produire une documentation juridiquement solide tout en maintenant une pression diplomatique cohérente, dans un contexte où l'attention internationale reste focalisée sur la crise sécuritaire immédiate.
