Table des matières
Dans son évaluation annuelle des menaces mondiales, l'Agence de renseignement de la Défense (DIA) du Pentagone place Haïti au cœur des préoccupations sécuritaires de l'Amérique latine. Le constat est sans appel. La violence des gangs continue de défier toute solution gouvernementale.
Un pronostic alarmant pour 2025
Le rapport, préparé par le Lieutenant-Général Jeffrey Kruse, ne laisse place à aucune ambiguïté. « Au cours de l'année prochaine, l'activité persistante des gangs en Haïti remettra probablement en question de manière significative la capacité du gouvernement à mettre fin à la violence et à stabiliser le pays », préviennent les analystes américains.
Cette évaluation intervient alors que la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) peine à produire des résultats tangibles. Dirigée par le Kenya et renouvelée pour un an par l'ONU, elle reste sous-équipée. Les experts de la DIA sont catégoriques : les améliorations sécuritaires seront difficiles à réaliser sans un renforcement substantiel des moyens.
L'effondrement d'un État
La crise haïtienne s'inscrit dans une dynamique régionale préoccupante. Les conditions socio-économiques précaires de l'Amérique latine offrent des opportunités aux adversaires des États-Unis. L'insécurité crée un terrain fertile pour la migration et le crime transnational.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Au cours de l'année écoulée, les attaques des gangs ont forcé la fermeture des aéroports et des ports maritimes. Résultat : des centaines de milliers d'Haïtiens déplacés. Plus d'un million de personnes vivent désormais dans des conditions précaires. Près de la moitié de la population nécessite une assistance alimentaire d'urgence.
Une aubaine géopolitique pour les rivaux américains
L'analyse de la DIA révèle une préoccupation stratégique majeure. L'instabilité haïtienne pourrait servir les intérêts des adversaires des États-Unis. La Chine et la Russie cherchent activement à étendre leur influence en Amérique latine. Ils profitent des défaillances occidentales pour proposer des alternatives de coopération.
Cette fenêtre d'opportunité inquiète Washington. La sécurité de la frontière sud américaine est directement menacée par les flux migratoires. Le crime transnational trouve également un terreau favorable dans cette instabilité chronique.
L'impasse institutionnelle
Depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti traverse un vide institutionnel béant. Aucune élection nationale n'a eu lieu depuis 2016. Le gouvernement de transition reste paralysé par les luttes internes.
Les scandales de corruption se multiplient. Les tentatives de fixer un calendrier électoral ont échoué. Les perspectives d'élections d'ici la fin 2025 demeurent minces. Cette paralysie facilite l'expansion des coalitions criminelles.
La coalition Viv Ansanm contrôle désormais plus de 80% de Port-au-Prince. Son influence territoriale ne cesse de s'étendre. Les autorités semblent impuissantes face à cette progression.
Un système en décomposition
L'évaluation de la DIA confirme l'ampleur de la catastrophe humanitaire. Les systèmes de santé et d'éducation sont au bord de l'effondrement. Seulement un quart des centres de santé restent opérationnels dans certaines régions.
Près de 1 000 écoles ont fermé leurs portes à cause de l'insécurité. Les services essentiels - électricité, eau, assainissement - ont disparu dans de nombreuses zones. Les épidémies de choléra refont surface régulièrement.
Un défi international
Cette situation place les États-Unis face à un dilemme complexe. Comment stabiliser un État défaillant sans intervention prolongée ? Comment éviter que cette instabilité serve les intérêts de leurs adversaires géopolitiques ?
La mention d'Haïti dans ce rapport stratégique de haut niveau témoigne de l'ampleur du défi. La crise haïtienne dépasse désormais le cadre national. Elle menace la sécurité régionale et les intérêts américains.
L'urgence d'une approche coordonnée et soutenue devient évidente. Sans action décisive, le pays risque de sombrer davantage dans le chaos. Les conséquences dépasseraient largement ses frontières. Haïti est devenu un test grandeur nature pour la capacité d'intervention de la communauté internationale.
