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Xi Jinping, Poutine et Modi affichent leur unité stratégique après l'imposition de tarifs américains sur l'Inde
TIANJIN, Chine — Le sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) des 1er et 2 septembre à Tianjin a marqué un tournant diplomatique majeur, avec la rencontre trilatérale entre le président chinois Xi Jinping, le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre indien Narendra Modi, dans leur démonstration d'unité la plus visible depuis des années.
Cette convergence stratégique intervient dans un contexte de tensions accrues avec l'administration Trump, qui vient d'imposer des tarifs de 50% sur les produits indiens en représailles aux importations continues de pétrole russe par New Delhi. Cette pression économique américaine semble avoir rapproché l'Inde traditionnellement neutre de ses partenaires chinois et russe.
Le sommet a produit des résultats substantiels au-delà du symbolisme diplomatique. Les membres de l'OCS ont adopté 24 documents renforçant la coopération dans les domaines sécuritaire, économique et culturel, ainsi qu'une stratégie de développement décennal (2026-2035) définissant l'orientation de l'organisation.
La dimension économique s'est concrétisée par le lancement officiel du processus d'établissement d'une Banque de développement de l'OCS pour financer les projets d'infrastructure. La Chine s'est engagée à hauteur de 84 milliards de dollars envers les autres pays membres et a promis de soutenir 10 000 étudiants dans son programme d'éducation professionnelle "Luban".
La diplomatie visuelle a constitué l'aspect le plus frappant du sommet. Modi et Poutine ont été photographiés se tenant par la main, voyageant ensemble dans la limousine blindée de Poutine pendant près d'une heure, et affichant une camaraderie remarquable avec Xi Jinping. Cette chorégraphie diplomatique semblait directement répondre à la récente rencontre entre Trump et Poutine en Alaska.
Pour l'Inde, cette première visite de Modi en Chine depuis sept ans marque un dégel significatif après l'affrontement frontalier meurtrier de 2020. Xi Jinping a exprimé l'espoir que les relations bilatérales deviennent "stables et étendues" si les deux nations se considèrent comme partenaires plutôt que rivales.
Modi a qualifié le partenariat avec Moscou de "spécial et privilégié", tandis que Poutine a appelé Modi un "ami cher" et souligné leur relation "amicale et confiante" s'étendant sur des décennies. Poutine a annoncé son intention de se rendre en Inde en décembre 2025 pour le 23e sommet annuel indo-russe.
Le sommet a également permis l'expansion de l'OCS à 27 pays avec l'adhésion du Laos comme partenaire de dialogue, positionnant l'organisation comme le plus grand bloc régional mondial par la population et la portée géographique, représentant près de la moitié de la population mondiale.
Les dirigeants ont utilisé la plateforme pour promouvoir la multipolarité comme alternative à la gouvernance mondiale dirigée par les États-Unis. Xi Jinping a critiqué les "pratiques d'intimidation" et la "mentalité de guerre froide", plaidant pour un nouvel ordre sécuritaire et économique privilégiant le Sud global.
L'administration Trump a minimisé ce rassemblement, le secrétaire au Trésor Scott Bessent qualifiant l'Inde, la Chine et la Russie de "mauvais acteurs" alimentant prétendument l'effort de guerre russe. Trump a poursuivi ses critiques de l'Inde sur les réseaux sociaux, qualifiant la relation américano-indienne de "totalement déséquilibrée" malgré l'offre de New Delhi d'éliminer les tarifs sur les produits américains.
Malgré l'unité symbolique, des analystes notent que des différences substantielles demeurent entre les trois puissances, particulièrement entre la Chine et l'Inde. La décision de l'Inde d'éviter le défilé militaire chinois souligne les limites du rapprochement.
Le sommet a néanmoins réussi à projeter une image de solidarité du Sud global et démontré que l'approche confrontationnelle de Trump pousse les partenaires traditionnels vers des alliances alternatives. Bien que des différences stratégiques profondes empêchent un véritable alignement trilatéral, l'unité visuelle a envoyé un message clair à Washington sur les conséquences de la coercition économique et de l'isolement diplomatique.