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Quatre journées de formation visent à améliorer la gouvernance locale dans un contexte où les violences de genre explosent
PÉTION-VILLE, Haïti — Le ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes (MCFDF) a clôturé dimanche un atelier stratégique de quatre jours destiné aux directrices départementales, une initiative visant à renforcer les capacités locales dans un contexte où les violences basées sur le genre atteignent des niveaux critiques.
La formation, organisée au Karibe Convention Center avec l'appui d'ONU Femmes, s'est achevée par la remise de certificats et d'équipements technologiques aux directrices départementales, qualifiées par la ministre Pedrica Saint Jean de "stratèges et catalyseuses du changement au cœur des départements".
Cette initiative intervient dans un contexte particulièrement préoccupant pour les droits des femmes en Haïti. Selon les dernières données du sous-cluster VBG, 6 269 incidents de violences basées sur le genre ont été rapportés entre janvier et juillet 2025, avec 75% des agressions perpétrées par des membres de gangs armés.
La dernière journée a été consacrée à des présentations techniques cruciales. Emmanuel Orgella, directeur de communication, a abordé l'importance de la communication institutionnelle, tandis que la directrice générale Sandy François a présenté le projet de révision du décret de 2002 sur l'organisation du ministère.
L'intervention de Guerda Benjamin, analyste de programme à ONU Femmes, sur le Plan de travail annuel conjoint MCFDF-ONU Femmes souligne l'importance de la coopération internationale dans un contexte où les ressources nationales sont limitées. Cette collaboration prend une dimension critique alors que le sous-financement des services de protection contre les VBG atteint 82% selon l'ONU.
La formation sur l'Analyse comparative selon le sexe (ACS) par Viola Guerrier révèle une volonté d'intégrer une approche genre systématique dans les politiques publiques, démarche particulièrement importante dans un pays où les inégalités de genre sont exacerbées par la crise sécuritaire.
Cependant, l'efficacité de cette formation soulève des questions pratiques. Avec environ 90% de Port-au-Prince sous contrôle des gangs selon l'ONU, la capacité des directrices départementales à "dupliquer les connaissances acquises" comme souhaité par la ministre reste incertaine dans de nombreuses zones.
L'accent mis sur la "gouvernance plus juste et inclusive" contraste avec la réalité où l'État haïtien peine à exercer ses fonctions régaliennes de base. La protection des femmes et des filles nécessite d'abord un minimum de sécurité que l'État ne peut actuellement garantir.
La remise de tablettes et de matériels didactiques aux directrices vise à "favoriser leur performance sur le terrain", mais l'utilité de ces outils dépendra largement de l'accessibilité des zones d'intervention et de la sécurité du personnel.
Cette initiative s'inscrit dans les efforts du MCFDF pour maintenir une approche institutionnelle des droits des femmes malgré la crise. Récemment, la ministre avait annoncé la réouverture de "La Maison des Femmes" pour les victimes de violences sexuelles, bien que les modalités pratiques dans le contexte sécuritaire actuel restent floues.
La présence artistique de Mackenson Brutus pour clôturer l'événement témoigne d'une volonté de maintenir une dimension humaine et culturelle dans ces formations techniques, approche louable mais qui ne résout pas les défis opérationnels fondamentaux.
L'appui d'ONU Femmes reste crucial pour ces initiatives, dans un contexte où le financement national des politiques de genre est probablement limité par les contraintes budgétaires générales de l'État.
Cette formation représente un effort méritoire pour professionnaliser l'approche des droits des femmes au niveau départemental, mais son impact réel dépendra de la capacité de ces directrices à opérer dans un environnement où la sécurité des femmes et des filles reste précaire.