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Pedrica Saint-Jean veut sortir de « la logique d'urgence » pour ancrer la prévention dans les politiques publiques
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes, en partenariat avec l'Organisation mondiale de la santé et l'Organisation panaméricaine de la santé (OMS/OPS), a lancé lundi une formation de trois jours destinée aux formatrices sur « l'accompagnement psychosocial des femmes et filles victimes de violences sexuelles dans les sites de déplacés ».
Cette initiative intervient dans un contexte où les violences basées sur le genre ont explosé dans les zones contrôlées par les gangs, selon les rapports des organisations humanitaires. Les sites de déplacés, qui abritent des centaines de milliers de personnes fuyant l'insécurité, constituent des environnements particulièrement vulnérables pour les femmes et filles.
La ministre Pedrica Saint-Jean a souligné lors de la cérémonie d'ouverture que « investir pour former les leaders communautaires surtout les leaders des organisations de femmes, dans le combat contre les femmes et les filles, c'est une nécessité absolue ». Cette déclaration révèle l'ampleur du défi face aux violences de genre dans le contexte actuel.
Saint-Jean a particulièrement insisté sur la nécessité de changer d'approche : « L'organisation d'une telle formation est arrivée à point nommé parce qu'il est temps de sortir de la logique d'urgence et de réaction. Nous devons ancrer la prévention, la sensibilisation, la collecte des données pour mieux cibler les interventions et surtout, l'accompagnement des victimes. »
Cette critique de « la logique d'urgence qui caractérise la chaîne de prise en charge en Haïti » souligne les insuffisances structurelles du système de protection. La ministre fait référence au « Plan national de lutte contre les violences envers les femmes 2017-2027 », document stratégique adopté avant la crise sécuritaire actuelle.
La formation a rassemblé « des cadres du MCFDF ainsi que plusieurs membres et représentantes d'organisations féminines et/ou féministes œuvrant dans le domaine des VBG [violences basées sur le genre] ». Cette mobilisation illustre l'écosystème associatif qui tente de maintenir ses activités malgré les contraintes sécuritaires.
Le programme couvre des aspects techniques cruciaux. Richard Milou Martine a présenté « le contexte humanitaire et les violences basées sur le genre en Haïti », tandis qu'Eveline Bien-Aimé, directrice de la Direction de la protection et de la défense des droits des femmes, a abordé « les définitions et les typologies de violences sexuelles ».
L'intervention du Dr Alexis Joseph Vilaime sur « Reconnaître et dépister les agressions sexuelles » répond à un besoin urgent de formation médicale spécialisée. Dans un contexte où l'accès aux soins de santé est limité, la capacité de détection précoce devient cruciale.
Les représentants de l'OPS/OMS, Kevins Vilfranche et Dr Vilma, ont présenté « les impacts psychiques des violences sur les survivantes et l'importance d'un accompagnement psychosocial adapté ». Cette dimension psychologique est souvent négligée dans les réponses d'urgence.
La formation intègre « des séances de témoignages et des échanges d'expériences communautaires », reconnaissant l'expertise pratique des organisations de terrain. Cette approche participative vise à créer un « réseau de formatrices compétentes capables d'accompagner les victimes de violences sexuelles dans tout le pays ».
L'insistance de Saint-Jean sur « la réplication de cette formation dans leurs organisations respectives » comme « obligation majeure » révèle une stratégie de démultiplication des capacités face à l'ampleur des besoins.
Cette initiative s'inscrit dans la continuité des actions du MCFDF malgré les défis sécuritaires. Récemment, la ministre avait participé aux événements Beijing+30 à New York et mobilisé les partenaires autour du « Profil Genre en Haïti ».
Le partenariat avec l'OMS/OPS illustre la nécessité de soutien international pour maintenir les services de protection dans un contexte où les capacités nationales sont débordées par l'ampleur de la crise.
Cette formation intervient alors que les organisations humanitaires documentent une augmentation dramatique des violences sexuelles, particulièrement dans les territoires contrôlés par les gangs et dans les sites de déplacés où vivent environ 700 000 personnes selon l'ONU.