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Le MCI lance un programme de redynamisation de l'artisanat haïtien dans un contexte économique difficile

Le MCI lance un programme de relance de l'artisanat haïtien (couture/cordonnerie) malgré le contexte sécuritaire et économique difficile.

Lancement du Programme National de Redynamisation des Secteurs Couture et Cordonnerie - Ministère du Commerce et de l'Industrie, Hôtel Montana, 29 août 2025. Autorités gouvernementales, diplomates et représentants de l'artisanat haïtien réunis pour cette initiative de relance économique.

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Le ministre James Monazard mise sur les secteurs couture et cordonnerie pour créer des emplois malgré la crise sécuritaire

PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le ministère du Commerce et de l'Industrie (MCI) a lancé vendredi 29 août 2025 son Programme national de redynamisation des secteurs couture et cordonnerie en Haïti lors d'une cérémonie à l'hôtel Montana, une initiative ambitieuse qui soulève des questions sur sa faisabilité dans le contexte sécuritaire et économique actuel.

Cette cérémonie, qui a réuni plusieurs centaines de personnes incluant des autorités étatiques, des responsables diplomatiques et des représentants artisanaux, intervient dans un contexte où 90% de Port-au-Prince est sous contrôle des gangs armés et où 1,3 million de personnes sont déplacées internes selon l'ONU.

Le directeur de cabinet du Premier ministre, Axène Joseph, représentant Fils-Aimé, a souligné l'importance du programme pour l'économie nationale, le qualifiant de priorité gouvernementale "pour répondre aux besoins de l'heure". Cette formulation contraste avec la réalité où les besoins les plus urgents semblent être sécuritaires et humanitaires.

Le ministre James Monazard, à la tête du MCI depuis 14 mois, a présenté ce projet comme incarnant "une vision audacieuse de l'État haïtien" visant à "garantir une véritable souveraineté de l'artisanat national et à raviver la volonté acharnée des couturiers haïtiens".

Cependant, plusieurs éléments interrogent sur la pertinence du timing. Alors que le Secrétaire général de l'ONU décrivait un jour avant Haïti comme étant dans une "tempête parfaite de souffrances" avec un sous-financement dramatique de l'aide humanitaire, le gouvernement investit dans des programmes de développement économique dont l'impact immédiat reste incertain.

Le directeur général du MCI, Panel Paulemont, a affirmé que l'initiative "permettra de garantir la création d'emplois et de contribuer à la réduction du chômage", déclarant que "le talent est là, le marché est là, l'État s'engage". Cette optimisme semble déconnecté de la réalité économique où de nombreuses entreprises peinent à opérer normalement.

La faisabilité opérationnelle du programme reste questionnable. Dans un environnement où les déplacements sont dangereux, où de nombreux ateliers ont fermé ou été détruits, et où l'approvisionnement en matières premières est compliqué par l'insécurité, les conditions nécessaires au développement de l'artisanat semblent peu réunies.

L'initiative vise à "renforcer les capacités techniques et commerciales dans le secteur de l'habillement" et à créer "de nouvelles opportunités de formation, de promotion et de financement". Toutefois, aucun détail n'a été fourni sur les mécanismes concrets de mise en œuvre, les budgets alloués, ou les modalités de sécurisation des activités.

La cérémonie a honoré "plusieurs personnalités du secteur pour leur savoir-faire, leur créativité et leur persévérance", reconnaissance louable mais qui ne résout pas les défis structurels auxquels fait face le secteur.

La présence de plusieurs ministres - Georges Wilbert Franck (Affaires sociales et Travail), John Herrick Dessources (Tourisme), Ketleen Florestal (Planification et Affaires externes) - ainsi que de personnalités diplomatiques témoigne d'un effort de coordination gouvernementale, bien que l'efficacité de cette approche reste à démontrer.

Cette initiative s'inscrit dans une stratégie gouvernementale plus large visant à maintenir un agenda de développement économique parallèlement à la gestion de crise. Cependant, l'allocation de ressources et d'attention à des programmes de moyen terme interroge sur les priorités dans un contexte d'urgence humanitaire.

Le secteur de l'artisanat haïtien dispose effectivement d'un potentiel considérable, avec une tradition textile historique et des savoir-faire reconnus. Mais sa revitalisation nécessiterait probablement d'abord un minimum de stabilité sécuritaire et d'accessibilité des zones de production.

L'engagement du ministre Monazard à "protéger les investissements étrangers connexes" suggère une dimension internationale au programme, mais les investisseurs étrangers sont actuellement largement absents du marché haïtien en raison des risques sécuritaires.

Cette initiative, bien qu'inspirante dans ses objectifs, illustre peut-être le décalage entre les ambitions gouvernementales et les contraintes de terrain. Dans un contexte où l'État peine à assurer ses fonctions régaliennes de base, la capacité à mettre en œuvre efficacement des programmes de développement économique spécialisés reste incertaine.

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