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Coup de tonnerre dans l'enseignement supérieur : Le MENFP suspend les activités de l'ISSEPJ University

MENFP interdit toutes activités ISSEPJ University pour graduation illégale par VAEP, rappelant que doctorats nécessitent parcours académique rigoureux obligatoire.

Table des matières


Le Ministère de l'Éducation Nationale vient d'interdire toutes les activités de l'ISSEPJ University, dénonçant une cérémonie de graduation illégale prévue pour délivrer des diplômes par validation d'acquis professionnels. Cette décision sans précédent soulève des questions cruciales sur la régulation de l'enseignement supérieur en Haïti et le sort de centaines d'étudiants inscrits dans cette institution.

La circulaire No. 0.11.2573 du 18 août 2025, signée par le Ministre Augustin Antoine, tombe comme un couperet sur l'Institut Supérieur des Sciences Économiques, Politiques et Juridiques, connu sous le nom d'ISSEPJ University. L'État haïtien reprend ainsi la main sur un secteur universitaire privé souvent critiqué pour ses dérives.

Une pratique jugée "flagrante" de violation de la loi

Le ministère dénonce spécifiquement l'organisation d'une cérémonie de graduation où des diplômes de doctorat auraient été décernés par le biais de la Validation des Acquis de l'Expérience Professionnelle (VAEP). Cette pratique viole directement l'article 12 de la loi portant sur la Reconnaissance et Validation des Acquis de l'Expérience Professionnelle publiée dans Le Moniteur du 23 février 2019.

La loi est claire : "Les diplômes nationaux de l'Enseignement Supérieur de Licence, de Master et de Doctorat ne sont pas accessibles par la voie de la validation des acquis de l'expérience professionnelle." Cette disposition vise à préserver l'intégrité académique des diplômes universitaires les plus élevés du système éducatif haïtien.

Le doctorat, un parcours strictement encadré

Le ministère rappelle l'article 186 du décret sur l'Enseignement Supérieur qui stipule que "la formation doctorale est le niveau de formation le plus élevé du système national d'enseignement supérieur. Elle se donne dans les écoles doctorales rigoureusement évaluées et contrôlées, régulièrement mandatées et autorisées par l'organisme de régulation."

Cette insistance sur la rigueur du parcours doctoral n'est pas anodine. Dans un contexte où la prolifération d'institutions d'enseignement supérieur de qualité douteuse mine la crédibilité des diplômes haïtiens, le MENFP trace une ligne rouge : le doctorat ne se marchande pas, il se mérite par un parcours académique rigoureux.

Les précédents qui éclairent la décision

La circulaire fait référence au décret portant Organisation, Fonctionnement et Modernisation de l'Enseignement Supérieur, publié dans Le Moniteur du 30 juin 2020. L'article 11 de la législation sur la VAEP confère au ministre le pouvoir de fixer par arrêté la liste des diplômes accessibles par cette voie et les procédures d'obtention. L'ISSEPJ University a manifestement outrepassé ce cadre légal.

Une suspension totale jusqu'à nouvel ordre

La sanction est sans appel : "le MENFP interdit à l'échelle nationale, jusqu'à nouvel ordre, toutes les activités administratives et académiques de ISSEPJ University." Cette mesure draconienne pose immédiatement la question du devenir des étudiants régulièrement inscrits dans cette institution.

Les implications pour les étudiants et le système

Pour les étudiants de l'ISSEPJ University, c'est un séisme. Ceux qui ont investi temps et argent dans leur formation se retrouvent dans l'incertitude totale. Leurs crédits seront-ils reconnus ailleurs ? Pourront-ils poursuivre leurs études dans d'autres institutions ? Le ministère reste silencieux sur ces questions cruciales.

Cette affaire révèle aussi les failles du système de régulation de l'enseignement supérieur haïtien. Comment une institution a-t-elle pu planifier une cérémonie de graduation illégale sans être détectée plus tôt ? Où étaient les mécanismes de contrôle censés prévenir de telles dérives ?

Un message fort au secteur privé

Pour les autres institutions privées d'enseignement supérieur, le message est clair : l'État veille et n'hésitera pas à sévir. Dans un pays où le secteur privé éducatif a longtemps opéré avec une relative autonomie, cette intervention marque peut-être un tournant vers une régulation plus stricte.

La référence explicite aux articles 186 et 190 du décret de 2020 rappelle que même les entités universitaires privées doivent se conformer aux standards nationaux, particulièrement pour la délivrance des diplômes de niveau doctoral.

Les questions qui demeurent

Au-delà de la sanction, plusieurs interrogations persistent. L'ISSEPJ University était-elle officiellement autorisée à délivrer des diplômes universitaires ? Si oui, comment a-t-elle pu dévier à ce point du cadre légal ? Si non, comment a-t-elle pu opérer jusqu'à présent ?

La mention "jusqu'à nouvel ordre" suggère que la suspension pourrait être levée sous conditions. Quelles seraient ces conditions ? Une restructuration complète ? Un changement de direction ? Une mise en conformité avec la législation ?


L'affaire ISSEPJ University représente bien plus qu'un simple différend administratif. Elle symbolise la lutte pour la crédibilité de l'enseignement supérieur haïtien dans un contexte où le pays a désespérément besoin de cadres qualifiés pour sa reconstruction.

Pour la communauté universitaire, cette intervention du MENFP pose une question fondamentale : comment équilibrer l'autonomie nécessaire à l'innovation pédagogique avec la régulation indispensable pour garantir la qualité des diplômes ?

Les étudiants en droit et en sciences de l'éducation ont là un cas d'école sur les limites de la liberté d'enseignement et le rôle régulateur de l'État. Mais au-delà de l'analyse académique, ce sont des centaines de parcours étudiants qui sont aujourd'hui suspendus, en attente d'une solution qui tarde à venir.

Dans un pays où l'accès à l'éducation supérieure de qualité reste un défi majeur, la fermeture d'une institution, même pour des raisons légitimes, représente toujours une perte. La question reste : comment construire un système universitaire à la fois accessible, innovant et rigoureusement conforme aux standards académiques internationaux ?


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