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Ma gratitude envers la communauté fascheloise

Victor Mozeau, ancien étudiant de la FASCH, raconte son parcours de détermination, d'affirmation et de transformation des défis en réussites.

Table des matières

Victor Mozeau, ancien étudiant de la FASCH, revient sur son parcours où il a appris à surmonter les obstacles académiques et personnels. Grâce à cette institution, il a pu affirmer ses convictions, développer son autonomie et transformer les défis en réalisations concrètes, guidé par une détermination constante.

Je suis reconnaissant d'avoir été étudiant à la FASCH. En effet, j'avais de nombreuses lacunes en quittant le secondaire, tant à l'écrit qu'à l'oral, ce qui a considérablement limité mes possibilités de nouer des amitiés durant mon passage à la FASCH. Ces difficultés d'expression créaient une barrière invisible entre moi et les autres étudiants, rendant chaque interaction sociale particulièrement éprouvante. Certains me percevaient comme introverti ou timide, comme une personne sans position idéologique claire dans un environnement où les débats intellectuels faisaient rage, ou comme quelqu'un ayant choisi cette voie par défaut, considérant le peu d'options disponibles en Haïti pour les jeunes aspirant à l'enseignement supérieur.

Cette perception n'était pas totalement erronée, car je naviguais alors dans un océan d'incertitudes quant à mon avenir académique et professionnel. Néanmoins, j'ai eu la chance inestimable de côtoyer de nombreux étudiants talentueux qui m'ont servi de modèles intellectuels et qui, malgré les difficultés socio-économiques et politiques que traverse Haïti depuis des décennies, demeurent fidèlement au service de la communauté fascheloise. Leur engagement indéfectible face à l'adversité m'a profondément inspiré. Plusieurs sont devenus professeurs ou responsables académiques et représentent aujourd'hui la FASCH avec dignité dans les médias nationaux ou lors de conférences à l'étranger, portant haut les valeurs de notre institution malgré les circonstances difficiles.

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Par ailleurs, mon parcours vers la FASCH fut semé d'embûches. J'ai été admis en 2009, après deux tentatives infructueuses en 2006 et 2007, des échecs qui, avec le recul, se sont avérés formateurs. Ces deux années passées à l'Université de Port-au-Prince, bien que frustrantes à l'époque, m'ont probablement permis d'améliorer significativement mon niveau scolaire et ma maturité intellectuelle. Cette période de transition, que je considérais alors comme un temps perdu, s'est révélée être une préparation nécessaire qui m'a finalement permis d'être admis à la FASCH.

À mon arrivée, mes lacunes étaient criantes : j'étais incapable de rédiger un simple résumé ou de construire un paragraphe cohérent, des compétences pourtant fondamentales pour des études universitaires. Progressivement, grâce à des enseignants dévoués, j'ai commencé à combler ces lacunes. Le professeur Millard, dans son cours d'Organisation des Techniques Intellectuelles (OTI), ainsi qu'une autre professeure dont le nom m'échappe malheureusement, dans son cours de français I et II, m'ont patiemment inculqué les règles grammaticales et les techniques de rédaction essentielles. Leurs méthodes pédagogiques, alliant rigueur et bienveillance, m'ont permis de progresser pas à pas dans la maîtrise de l'expression écrite. D'autres enseignant remarquables m'ont initié à la lecture critique dès ma première année, notamment les professeurs Hancy Pierre et Lacoste, qui ont su éveiller en moi une curiosité intellectuelle que je ne soupçonnais pas. Un merci spécial doit être adressé au professeur Jean Léon, dont les séminaires sur la modernité et la colonisation ont profondément transformé ma vision du monde et de l'histoire haïtienne. Ses analyses pénétrantes continuent à nourrir ma réflexion quotidienne et à éclairer ma compréhension des enjeux contemporains.

En fait, je n'ai jamais été un excellent étudiant et ne le suis toujours pas – je ne prétends pas à une brillance académique que je n'ai pas – mais je reconnais avec une profonde gratitude que la FASCH a largement contribué à faire de moi ce que je suis aujourd'hui : une personne capable de s'exprimer en public sans cette peur paralysante qui m'habitait autrefois, et d'écrire des textes structurés sans solliciter systématiquement une relecture extérieure. Cette autonomie intellectuelle, acquise progressivement au fil des années, représente pour moi une victoire personnelle inestimable. La FASCH m'a aussi offert une expérience riche en événements variés, allant des discussions intellectuelles passionnées dans les couloirs ou sous les arbres de la cour, aux manifestations sociales pour défendre nos droits d'étudiant, en passant par des moments de convivialité inoubliables lors des activités culturelles et des confrontations parfois tendues avec les forces de l'ordre lors de nos revendications. Ces moments de solidarité forgent des liens indéfectibles entre les étudiant, créant une fraternité qui transcende les différences sociales et idéologiques. Tous ces événements ont eu lieu pour des raisons précises, reflétant les aspirations légitimes d'une jeunesse haïtienne en quête de dignité et d'un avenir meilleur. Malgré ces nombreux efforts collectifs, que je ne qualifierais certainement pas de vains, car ils ont contribué à forger notre conscience citoyenne, nous n'avons toujours pas obtenu l'espace physique et symbolique tant espéré pour notre faculté. La situation devient de plus en plus difficile dans notre pays, et les conditions d'études sont de plus en plus précaires, avec des infrastructures inadéquates, des ressources pédagogiques limitées et un contexte sécuritaire préoccupant. Face à ces défis qui semblent parfois insurmontables, il nous faut persévérer avec détermination, continuer à rêver et à imaginer collectivement la FASCH que nous avons tant souhaitée – une institution d'excellence accessible à tous, ancrée dans les réalités haïtiennes mais ouverte sur le monde.

Enfin, au-delà de sa dimension académique, la FASCH a été ma deuxième maison, voire ma première, car c'est en la fréquentant quotidiennement que j'ai véritablement appris à prendre des décisions par et pour moi-même, à affirmer mes convictions et à assumer mes choix. Cette autonomisation progressive, cette émancipation intellectuelle et personnelle, constitue peut-être le plus précieux des héritages que m'a légués cette institution, malgré toutes ses imperfections et ses contraintes.

À propos de l'auteur

 Natif de Port-au-Prince, Victor Mozeau a complété ses études au lycée Toussaint Louverture. C'est grâce au réseau des anciens élèves qu'il découvre la FASCH et le Travail Social, une rencontre qui marquera un tournant décisif dans sa vie. Dans ce cadre, il apprend à affirmer ses convictions avec assurance et à en assumer les conséquences. Il y développe également la capacité de transformer les défis insurmontables en réalisations concrètes, guidé par une détermination sans faille.

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