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Les violences contre les enfants ont explosé de 490% entre 2023 et 2024, plaçant Haïti parmi les cinq pays les plus critiques au monde
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) a publié fin août un rapport accablant révélant que 1,3 million d'Haïtiens sont désormais déplacés internes, soit une augmentation de 24% depuis décembre 2024, illustrant l'accélération dramatique de la crise humanitaire.
Ces chiffres, compilés dans le document « Haiti Crisis in Numbers » daté du 31 août 2025, positionnent Haïti « parmi les cinq pays au monde avec les points chauds de la faim les plus critiques » avec 5,7 millions de personnes en insécurité alimentaire, représentant plus de 50% de la population.
La violence a atteint des niveaux inédits avec 3 100 personnes tuées entre janvier et juin 2025, tandis que les violences basées sur le genre ont enregistré 6 300 cas entre janvier et juillet, marquant une augmentation de 65% entre mai et juillet seulement.
L'impact sur les enfants révèle une dimension particulièrement alarmante de la crise. Les « violations graves contre des enfants » ont bondi de 490% entre 2023 et 2024, avec 2 300 violations enregistrées affectant 1 400 enfants. Cette explosion place Haïti « parmi les cinq pays au monde avec le plus grand nombre d'enfants victimes de violences sexuelles ».
Le rapport souligne que « les groupes armés contrôlent la capitale et au-delà, provoquant le déplacement interne de 11% de la population ». Cette emprise territoriale des gangs explique l'effondrement des services essentiels documenté par l'OCHA.
La situation sanitaire atteint des seuils critiques avec « des hôpitaux attaqués et des maladies qui se propagent dans des camps surpeuplés ». Cette description fait écho aux rapports récents sur les attaques contre les infrastructures médicales et la résurgence de maladies évitables dans les sites de déplacés.
L'OCHA identifie 8 400 personnes en « phase IPC 5 (risque de famine) », le niveau le plus élevé de l'échelle de classification de l'insécurité alimentaire. Cette situation s'aggrave alors que « les écoles sont détruites ou transformées en abris », compromettant l'avenir éducatif de générations entières.
Le phénomène des déportations ajoute une pression supplémentaire avec 168 700 personnes « forcées de rentrer entre janvier et août 2025 ». Ces retours forcés, principalement depuis les États-Unis et la République dominicaine, « aggravent la pression sur des services déjà débordés ».
La réponse humanitaire révèle un écart dramatique entre les besoins et les ressources. Malgré un appel de 908,2 millions de dollars pour le Plan de réponse humanitaire 2025, la « couverture de financement » n'atteint que 11%, illustrant le déficit critique de la solidarité internationale.
Les interventions humanitaires restent limitées : seulement 1,6 million de personnes ont reçu une aide alimentaire sur 5,7 millions en insécurité alimentaire, 176 000 personnes ont eu accès à l'eau potable, et 60 000 enfants ont bénéficié d'un soutien psychosocial.
Dans le secteur de la protection, seules 3 100 personnes ont bénéficié de « kits de prévention et d'atténuation de violences basées sur le genre », un chiffre dérisoire face aux 6 300 cas enregistrés. Cette disproportion révèle l'insuffisance criante des mécanismes de protection.
Le secteur éducatif illustre également cette inadéquation avec seulement 54 000 enfants « hors école » ayant reçu « un accès à une éducation de base formelle ou non formelle », alors que des centaines de milliers d'enfants sont privés de scolarité.
Ces statistiques de l'OCHA contrastent avec les discours politiques sur la « reconquête » territoriale et questionnent l'efficacité des stratégies actuelles face à l'ampleur de la catastrophe humanitaire.
Le rapport intervient alors que les négociations sur la transformation de la MMAS en Force de suppression des gangs se poursuivent au Conseil de sécurité, soulignant l'urgence d'une réponse internationale à la hauteur de la crise documentée.