Table des matières
Le Secrétaire général adjoint Miroslav Jenča a averti le Conseil de sécurité que Port-au-Prince pourrait connaître un effondrement total de la présence étatique. Face à l'extension du contrôle des gangs, il appelle à une action internationale urgente avant qu'il ne soit trop tard.
Port-au-Prince est au bord de l'effondrement total. C'est l'avertissement lancé par Miroslav Jenča, Secrétaire général adjoint de l'ONU pour l'Europe, l'Asie centrale et les Amériques, lors de son briefing au Conseil de sécurité le 2 juillet 2025. "Sans une action accrue de la communauté internationale, l'effondrement total de la présence de l'État dans la capitale pourrait devenir un scénario très réel", a-t-il déclaré devant les membres du Conseil.
Le diplomate onusien a dressé un tableau sombre de la transformation de la capitale depuis sa dernière visite en janvier. "J'ai été frappé par la profonde transformation de Port-au-Prince. La capitale était, à toutes fins utiles, paralysée par les gangs et isolée en raison de la suspension continue des vols commerciaux internationaux vers l'aéroport international Toussaint Louverture", a-t-il témoigné.
Depuis janvier, la situation s'est encore détériorée. Les gangs ont renforcé leur emprise, qui affecte désormais toutes les communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince et au-delà. La commune de La Chapelle, dans le bas Artibonite, est la dernière à être tombée sous contrôle des gangs le 22 juin, après une attaque qui a déplacé au moins 8 890 résidents et saccagé le sous-commissariat local.
Les statistiques présentées par Jenča révèlent l'ampleur de la catastrophe sécuritaire. Cette année seulement, le BINUH a enregistré 4 026 victimes d'homicides intentionnels, dont 376 femmes, 21 filles et 68 garçons - une augmentation de 24% par rapport à la même période l'année dernière. Le nombre de déplacés internes a atteint le chiffre record de 1,3 million de personnes.
L'attaque de Petite-Rivière en avril illustre la brutalité extrême : 57 personnes tuées, 4 enlevées, plus de 16 000 déplacées et environ 80 maisons incendiées. Face à l'incapacité de l'État à protéger la population, des groupes d'autodéfense se multiplient. Ces groupes de "vigilantes" ont tué au moins 100 hommes et une femme soupçonnés d'association avec les gangs au cours des trois derniers mois.
Les violences sexuelles ont connu une augmentation alarmante, utilisées délibérément par les gangs pour instiller la peur. Entre mars et avril, le BINUH a documenté 364 incidents impliquant 378 survivants, malgré une sous-déclaration persistante due à la peur des représailles et au manque de confiance dans les institutions. "Il est crucial que les autorités prennent des mesures concrètes contre l'état actuel d'impunité de ces crimes odieux", a insisté Jenča.
Malgré ce chaos sécuritaire, des progrès ont été réalisés dans le processus politique. Le Conseil électoral provisoire poursuit ses préparatifs pour achever la révision constitutionnelle et organiser des élections dans les délais fixés par l'accord d'avril 2024. L'adoption du décret réglementant le référendum constitutionnel, du nouveau Code pénal et du Code de procédure pénale sont des développements encourageants.
Cependant, des divergences claires apparaissent entre les parties prenantes concernant la faisabilité d'organiser un référendum et des élections d'ici février 2026. "Tout retard ou effort visant à compromettre la transition politique atteignant la date limite du 7 février 2026 pour l'installation d'un exécutif et d'un parlement nouvellement élus serait préoccupant", a averti le diplomate.
Un an après l'arrivée des premiers contingents de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) dirigée par le Kenya, le bilan reste décevant. Malgré leurs efforts, la MSS et la Police nationale haïtienne n'ont pas réussi à restaurer l'autorité de l'État. Jenča a rendu hommage aux deux officiers de la MSS morts en service et a souligné que "sans soutien sécuritaire supplémentaire de la communauté internationale, les perspectives sont sombres".
Le Secrétaire général adjoint a rappelé que les recommandations du Secrétaire général proposant d'établir un bureau de soutien de l'ONU pour fournir un appui logistique et opérationnel à la MSS constituent "une proposition réaliste et pratique pour répondre aux besoins de sécurité immédiats d'Haïti".
Face à l'environnement hostile actuel, le BINUH, qui n'était pas conçu en 2019 pour opérer dans de telles conditions, entreprend une reconfiguration. L'objectif est de créer un BINUH "plus ciblé, plus petit, mais plus percutant" capable de maintenir son personnel international à Port-au-Prince malgré la crise. La réduction temporaire du personnel international reflète les options limitées d'évacuation, avec un seul hélicoptère UNHAS disponible.
"Nous ne devons pas abandonner Haïti à ce moment critique. Agissons maintenant", a conclu Jenča avec force. Il a averti que les options actuellement sur la table seront "considérablement moins coûteuses et complexes que s'il y a un effondrement total de la présence de l'État".
Le message est clair : la fenêtre d'opportunité pour éviter l'effondrement complet se referme rapidement. La communauté internationale doit agir avec détermination et rapidité, car comme l'a souligné le diplomate, "il n'y a pas un moment à perdre" pour le peuple haïtien qui "mérite de vivre dans la dignité et sans la menace de la violence".