Table des matières
Fils-Aimé annonce 85% des centres de vote identifiés et 65 millions de dollars sécurisés pour les élections dans un contexte sécuritaire critique
WASHINGTON — Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a participé mercredi à la réunion tripartite ONU/CARICOM/OEA consacrée à la stabilisation d'Haïti, présentant des chiffres optimistes sur les préparatifs électoraux qui contrastent avec la réalité sécuritaire du pays.
Lors de son allocution, le chef du gouvernement a annoncé que "plus de 85% des centres de vote sont identifiés, 70% du personnel électoral est mobilisé et un financement national de 65 millions de dollars américains a déjà été sécurisé" pour l'organisation d'élections qu'il qualifie de "libres, crédibles, transparentes et inclusives".
Ces déclarations soulèvent plusieurs questions pratiques compte tenu de la situation sur le terrain. Avec approximativement 90% de Port-au-Prince sous contrôle des gangs armés selon l'ONU et 1,3 million de déplacés internes, l'accessibilité physique de ces centres de vote et la sécurité du personnel électoral restent problématiques.
Le Premier ministre a réaffirmé "la priorité absolue accordée à la restauration de la sécurité", annonçant des mesures pour "rétablir le contrôle de l'État sur l'ensemble du territoire, sécuriser les grands axes routiers et renforcer substantiellement les capacités de la Police nationale d'Haïti (PNH) et des Forces armées d'Haïti (FAD'H)".
Cette ambition de reconquête territoriale apparaît particulièrement ambitieuse au regard de la situation actuelle. Les récents succès ponctuels, comme la reprise du site TÉLÉCO de Kenscoff, restent limités face à l'emprise territoriale des groupes armés qui ont considérablement étendu leur contrôle ces derniers mois.
Fils-Aimé a exprimé sa "profonde gratitude à l'ensemble des partenaires régionaux et internationaux" et salué "la proposition de feuille de route élaborée par le Secrétariat général de l'OEA", qu'il considère comme "une base de travail pour accompagner la Transition et soutenir les efforts nationaux de stabilisation".
Le Premier ministre a appelé la communauté internationale à maintenir et renforcer son accompagnement "non seulement sur le plan sécuritaire et électoral, mais également en matière de gouvernance, d'assistance humanitaire et de relance économique", insistant sur "la nécessité d'un partenariat renforcé et coordonné".
Cette demande intervient alors que les besoins humanitaires explosent. Le sous-cluster des violences basées sur le genre ne dispose que de 3,39 millions de dollars sur les 19 millions requis, illustrant les déficits de financement critiques dans les secteurs essentiels.
L'annonce d'un financement électoral de 65 millions de dollars soulève des questions sur les priorités budgétaires dans un contexte où les services de base peinent à fonctionner et où une partie importante de la population dépend de l'aide humanitaire.
La faisabilité technique d'élections dans le contexte actuel reste également incertaine. L'identification de centres de vote ne garantit pas leur accessibilité ni leur sécurisation, particulièrement dans les zones contrôlées par les gangs où la population civile vit sous la contrainte.
Le calendrier électoral évoqué par le gouvernement semble optimiste compte tenu des défis logistiques considérables. L'organisation d'élections crédibles nécessiterait probablement une amélioration substantielle de la situation sécuritaire, condition qui ne semble pas réunie à court terme.
Cette réunion tripartite s'inscrit dans les efforts diplomatiques continus pour maintenir l'engagement international envers Haïti, alors que l'attention mondiale se disperse vers d'autres crises. Pour le gouvernement de transition, ces rencontres représentent des opportunités cruciales de mobiliser le soutien international.
Cependant, l'écart entre les annonces gouvernementales et la réalité de terrain soulève des questions sur la crédibilité des engagements pris. La capacité effective du gouvernement à "rétablir le contrôle de l'État sur l'ensemble du territoire" reste à démontrer face à des groupes armés qui ont prouvé leur capacité d'adaptation et de résistance.