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Rapport américain 2024 : L'État haïtien incapable de protéger les droits humains fondamentaux

Département État américain documente effondrement total droits humains Haïti 2024: 3884 victimes, impunité généralisée, État incapable protéger citoyens.

Table des matières

Le Département d'État américain dresse un bilan catastrophique de la situation des droits humains en Haïti dans son rapport annuel 2024. Exécutions extrajudiciaires, torture, violence sexuelle systématique et effondrement de l'État de droit caractérisent une année marquée par l'impunité totale et l'expansion incontrôlée de la violence des gangs.

Le rapport du Bureau de la Démocratie, des Droits Humains et du Travail du Département d'État américain sur Haïti pour 2024 constitue un réquisitoire implacable contre l'incapacité de l'État haïtien à remplir ses fonctions les plus élémentaires de protection des citoyens.

Une litanie de violations graves

Le document énumère méthodiquement les violations : meurtres arbitraires ou illégaux, torture et traitements cruels, détentions arbitraires, restrictions sévères à la liberté d'expression, violence contre les journalistes, trafic de personnes et travail forcé, incluant les pires formes de travail des enfants.

Plus grave encore, le rapport souligne que "le gouvernement n'a pas pris de mesures crédibles pour identifier et punir les fonctionnaires qui ont commis des violations des droits humains", consacrant ainsi une culture d'impunité institutionnalisée.

La justice populaire comme symptôme de l'effondrement

Le phénomène du "bwa kale" (écorcher le bois), ces lynchages publics de présumés bandits, illustre l'effondrement total du système judiciaire. Le rapport documente des cas troublants de complicité policière dans ces exécutions sommaires. En novembre, Médecins Sans Frontières a rapporté qu'une de ses ambulances transportant trois jeunes blessés par balle a été arrêtée par la police, qui a permis à une foule de lyncher les patients. Un seul a survécu.

Dans le département des Nippes, le procureur Jean Ernest Muscadin a ouvertement revendiqué l'exécution sans procès d'individus accusés de liens avec les gangs, déclarant sur les réseaux sociaux que Nippes était devenu "un cimetière pour les bandits". Paradoxalement, de nombreux résidents locaux ont soutenu ses méthodes expéditives.

3 884 victimes en six mois

Les chiffres compilés par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) sont édifiants : entre janvier et juin 2024, la violence des gangs a causé 3 884 morts et blessés, dont 96% dans le département de l'Ouest. Le premier trimestre a été le plus violent depuis 2022, avec une augmentation de 53% des victimes par rapport au trimestre précédent.

Le massacre de Wharf Jérémie en décembre, où le chef de gang Micanord "Mikanò" Altès a ordonné l'exécution de personnes âgées accusées de pratiques vaudou, illustre l'horreur absolue. Les estimations varient entre 50 et plus de 200 victimes, l'enquête étant impossible dans cette zone sous contrôle total des gangs.

La violence sexuelle comme arme de terreur

Le rapport révèle l'ampleur terrifiante de la violence sexuelle utilisée comme arme de guerre urbaine. Au moins 4 000 femmes et filles ont rapporté avoir été victimes de violences sexuelles entre janvier et octobre 2024. Les viols collectifs, parfois répétés sur plusieurs jours ou semaines, sont perpétrés en plein jour, signe d'une impunité totale.

L'absence d'accès aux soins aggrave les conséquences physiques et psychologiques, entraînant maladies sexuellement transmissibles et grossesses non désirées dans un contexte où le système de santé s'est effondré.

Les journalistes sous la menace

La liberté de presse s'est considérablement détériorée. Entre mars et juin, après l'évasion massive des prisons, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a documenté une augmentation marquée des menaces et attaques contre les journalistes. Certaines menaces, enregistrées en vidéo par des chefs de gangs et diffusées sur les réseaux sociaux, ont forcé de nombreux journalistes à l'autocensure, à abandonner la profession ou à fuir le pays.

L'impasse judiciaire

Le système judiciaire est paralysé. Les détentions préventives prolongées sans jugement restent la norme, certains détenus passant plus d'années en prison que la peine maximale pour leurs crimes présumés. L'enquête sur l'assassinat du président Jovenel Moïse en 2021 piétine, tout comme celles sur les massacres de Grand-Ravine (2017), Bel Air (2018) et Cité Soleil (2020).

Les travailleurs abandonnés

Dans le secteur du travail, le rapport note que 87% de la force de travail opère dans l'informel, sans aucune protection légale. Le Conseil National des Salaires, rétabli en février, n'a émis aucune recommandation sur le salaire minimum. Entre 52 et 92% des usines textiles surveillées violent les normes de compensation des travailleurs.

866 enlèvements documentés

Les kidnappings continuent de terroriser la population avec 866 cas documentés jusqu'en juin, dont 66% dans l'Artibonite. En décembre, le gang Grand Ravine a détourné un bateau entre Port-au-Prince et Cap-Haïtien, prenant en otage 52 passagers et membres d'équipage.

Ce rapport du Département d'État américain documente méthodiquement l'effondrement d'un État incapable de garantir le droit à la vie, à la sécurité et à la justice de ses citoyens. Pour la communauté universitaire haïtienne, ce document représente plus qu'un constat d'échec : c'est un appel urgent à repenser les fondements mêmes de l'État de droit.

Les étudiants en droit, sciences politiques et relations internationales ont là une source primaire essentielle pour comprendre comment un État peut perdre le monopole de la violence légitime. Mais au-delà de l'analyse académique, ce rapport pose une question existentielle : comment reconstruire les institutions dans un contexte où l'impunité est devenue la règle et la justice l'exception?

L'absence de "mesures crédibles" pour punir les violations des droits humains, soulignée dans le rapport, suggère que la reconstruction devra commencer par un processus de justice transitionnelle et de refondation complète des institutions régaliennes. Un défi monumental pour une génération d'universitaires qui devra penser la reconstruction dans les ruines.


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