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António Guterres dénonce le sous-financement dramatique de l'aide humanitaire et l'explosion des violations contre les enfants
NATIONS UNIES — Le Secrétaire général de l'ONU António Guterres a dressé un tableau alarmant de la situation haïtienne lors d'un briefing au Conseil de sécurité mercredi, qualifiant la crise de "tempête parfaite de souffrances" et dénonçant le sous-financement critique des opérations humanitaires.
"L'autorité de l'État s'effrite alors que la violence des gangs engloutit Port-au-Prince et se propage au-delà, paralysant la vie quotidienne et forçant les familles à fuir", a déclaré Guterres lors de cette session convoquée par le Panama sur la situation humanitaire et la protection des enfants en Haïti.
Le chef de l'ONU a confirmé les derniers chiffres de la crise : 1,3 million de personnes déplacées, dont la moitié sont des enfants, et 6 millions de personnes nécessitant une assistance humanitaire. Haïti figure désormais "parmi les cinq foyers mondiaux de la faim les plus préoccupants".

Le contraste est frappant avec les déclarations optimistes du Premier ministre Fils-Aimé lors de la réunion tripartite de Washington la veille, où il annonçait des préparatifs électoraux avancés. La réalité décrite par Guterres peint un tableau bien différent : "Les civils sont assiégés avec des rapports épouvantables de viol et de violence sexuelle. Les hôpitaux et les écoles sont sous attaques répétées. L'État de droit s'est effondré."
Le Secrétaire général a particulièrement insisté sur le sous-financement dramatique de la réponse humanitaire. Pour 2025, l'ONU requiert 908 millions de dollars pour soutenir 3,9 millions de personnes, mais "moins de 10% de ce montant a été reçu, faisant d'Haïti l'appel humanitaire le moins financé au monde".

Cette situation place plus de 1,7 million de personnes en risque de ne recevoir aucune assistance. "Ce n'est pas un déficit de financement. C'est une urgence de vie ou de mort", a martelé Guterres, exhortant les donateurs à agir "avant que les opérations vitales ne s'arrêtent complètement".
Le rapport révèle une explosion des violations contre les enfants. Haïti figure parmi les cinq premiers pays pour les violations graves contre les enfants en 2024, avec 2 269 violations vérifiées contre 1 373 enfants, soit une augmentation de près de cinq fois par rapport à l'année précédente.
Les chiffres sont accablants : 213 enfants tués, 138 mutilés, 302 enfants recrutés et utilisés, et 566 cas de violence sexuelle contre des mineurs, incluant 160 cas de viol collectif. "Ce sont des crimes qui marquent les corps, les esprits et les avenirs", a souligné le Secrétaire général.
La violence des gangs a interrompu la scolarisation de 243 000 étudiants selon les dernières données d'avril. L'ONU a vérifié 154 enlèvements, 154 attaques contre des écoles et hôpitaux, et 728 incidents de refus d'accès humanitaire.
Guterres a également exprimé son alarme face à la montée des "groupes d'autodéfense communautaire", certains alignés avec les forces de police, impliqués dans des violations graves incluant "l'exécution sommaire d'enfants".
Malgré ce tableau sombre, le Secrétaire général a identifié quelques signaux d'espoir, notamment une coopération croissante entre le président du Conseil de transition Laurent Sancire et le Premier ministre Fils-Aimé, ainsi qu'une meilleure coordination entre la PNH et la Mission multinationale de soutien à la sécurité.
Guterres a réitéré son appel du 24 février pour renforcer la MSS par un soutien logistique et opérationnel de l'ONU, et a exhorté le Conseil de sécurité à "autoriser une force internationale soutenue par les Nations Unies avec un appui logistique et opérationnel et un financement prévisible".
Le Secrétaire général a également appelé à un embargo efficace sur les armes et à une expansion ciblée des sanctions contre les leaders de gangs, les financiers et les trafiquants d'armes pour "couper les armes et l'argent qui alimentent le chaos".
Cette présentation onusienne offre un contraste saisissant avec le discours gouvernemental haïtien. Alors que Fils-Aimé évoquait la veille des préparatifs électoraux avancés, Guterres décrit un pays où l'État de droit a disparu et où les violations contre les civils atteignent des niveaux catastrophiques.
L'appel de Guterres pour que "tous les acteurs nationaux saisissent ce moment et maintiennent cet esprit de coopération" semble s'adresser autant au gouvernement haïtien qu'à la communauté internationale, dans un contexte où l'écart entre les annonces politiques et la réalité humanitaire n'a jamais été aussi béant.