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Le conseiller-président découvre l'ampleur des dégâts causés par les gangs aux campus universitaires et les besoins de relocalisation
PORT-AU-PRINCE, Haïti — Le conseiller-président Smith Augustin a effectué jeudi une visite de courtoisie au rectorat de l'Université d'État d'Haïti, au cours de laquelle le recteur Dieuseul Prédélus a présenté une demande budgétaire de huit milliards de gourdes pour l'année fiscale 2025-2026 et détaillé l'impact des violences de gangs sur les infrastructures universitaires.
Cette visite révèle l'ampleur des dégâts subis par l'institution phare de l'enseignement supérieur haïtien. "Plusieurs campus des différentes facultés ont été délogés, pillés ou assiégés par les gangs", contraignant l'UEH "à louer des espaces afin d'assurer la continuité des cours", selon le communiqué officiel.
Cette situation illustre concrètement l'impact de la crise sécuritaire sur l'enseignement supérieur. Avec environ 90% de Port-au-Prince sous contrôle des gangs selon l'ONU, l'UEH a perdu l'usage de plusieurs de ses campus historiques, forçant une restructuration géographique de ses activités académiques dans un environnement de plus en plus contraint.
Le recteur a présenté une stratégie d'expansion départementale, identifiant "plusieurs terrains pour la construction de nouveaux campus" dans différents départements du pays. Cette approche de décentralisation s'aligne avec les initiatives gouvernementales récentes, notamment le plan de relance BID focalisé sur le Grand Nord et les investissements du Fonds national de l'éducation dans les universités publiques régionales.
L'état des ressources humaines révèle les défis structurels de l'institution. Sur 1 500 professeurs, seulement 300 sont à temps plein contre 1 200 vacataires, un ratio qui limite la qualité de l'encadrement pédagogique. Prédélus "envisage une augmentation des professeurs à plein temps afin de garantir un meilleur accompagnement aux étudiants, notamment ceux qui se trouvent en fin de cycle".
Le budget demandé de huit milliards de gourdes (environ 60 millions USD au taux de change actuel) représente un montant considérable dans le contexte des contraintes budgétaires de l'État haïtien. Cette somme devra "contribuer à améliorer le fonctionnement de l'université et favoriser la relance de ses activités notamment à travers l'acquisition de nouveaux locaux, d'équipements et de matériels nécessaires".
Cependant, cette demande budgétaire soulève plusieurs questions. Dans un environnement où l'État peine à financer ses fonctions essentielles de sécurité et où les services publics de base sont défaillants, l'allocation de huit milliards de gourdes à l'enseignement supérieur nécessiterait des arbitrages budgétaires difficiles.
La visite d'Augustin, accompagné de son directeur de cabinet, témoigne de l'attention portée par le Conseil présidentiel de transition aux questions éducatives. Cette démarche s'inscrit dans la continuité des initiatives récentes, notamment le lancement du programme "UEH Net Étudiants" et la nomination de Prédélus à la présidence du Comité de réparation.
La stratégie de location d'espaces pour maintenir la continuité pédagogique révèle l'adaptabilité institutionnelle face à la crise, mais également les coûts supplémentaires engendrés par l'insécurité. Ces dépenses de fonctionnement exceptionnelles grèvent le budget universitaire et limitent les investissements à long terme.
L'accent mis sur "l'importance cruciale d'un investissement structurant dans l'enseignement supérieur en tant que pilier du développement du capital humain national" positionne cette demande dans une perspective de développement à long terme, contrastant avec les urgences sécuritaires immédiates.
Cette rencontre illustre également la diplomatie interne du Conseil présidentiel de transition, qui multiplie les contacts avec les institutions clés pour maintenir un dialogue politique malgré la crise et projeter une vision de continuité institutionnelle.