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Le recteur Dieuseul Predelus alerte sur une pratique contraire à la loi et demande un système d'homologation renforcé
PORT-AU-PRINCE, Haïti — L'Université d'État d'Haïti (UEH) a publié une déclaration ferme dénonçant la délivrance illégale de diplômes de doctorat par validation des acquis de l'expérience (VAE) lors d'une récente cérémonie organisée par une université privée non identifiée.
Dans ce communiqué signé par le recteur Dieuseul Predelus, l'UEH qualifie cette pratique de "violation flagrante de la législation haïtienne", citant spécifiquement l'article 12 de la Loi sur la reconnaissance et la validation des acquis de l'expérience professionnelle (RVAE) publiée au Moniteur le 15 février 2019.
Cette loi, rappelée par une circulaire du ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle du 18 août 2025, stipule clairement que "les diplômes nationaux de licence, de master et de doctorat ne peuvent en aucun cas être délivrés par le biais de la VAE".
Cette dénonciation s'inscrit dans un contexte plus large de préoccupations concernant la prolifération d'institutions d'enseignement supérieur non réglementées en Haïti. Récemment, le MENFP avait déjà mis en garde contre l'Université de la Renaissance d'Haïti, qui opérait sans autorisation officielle.
L'UEH souligne que ces pratiques représentent "une dérive de notre système d'enseignement supérieur" et mettent en lumière "la fragilité du dispositif actuel d'homologation et de reconnaissance légale des établissements privés d'enseignement supérieur".
L'institution publique exprime particulièrement ses craintes concernant l'impact sur la réputation internationale des diplômes haïtiens. "Un tel acte illégal fait encourir aux diplômes haïtiens le risque d'être dévalorisés, menaçant pour ainsi dire la crédibilité de notre système universitaire tant au niveau national qu'international", précise le communiqué.
Cette préoccupation prend une dimension particulière dans le contexte haïtien, où de nombreux diplômés cherchent des opportunités à l'étranger en raison de la crise économique et sécuritaire. La dévalorisation des diplômes nationaux pourrait compromettre davantage leurs perspectives d'insertion professionnelle internationale.
Le recteur Predelus réaffirme "l'urgence de mettre en place un système d'homologation et de régulation transparent, conforme aux normes académiques nationales et internationales, afin de restaurer la confiance et garantir la valeur académique et scientifique des diplômes haïtiens".
Cette déclaration intervient alors que le secteur de l'enseignement supérieur haïtien traverse une période particulièrement difficile. Plusieurs établissements ont été contraints de fermer temporairement ou de fonctionner de manière réduite en raison de l'insécurité, particulièrement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
L'UEH, en tant qu'institution centenaire et principale université publique du pays, se positionne comme gardienne des standards académiques nationaux. L'institution "se déclare disposée à offrir sa contribution active aux efforts collectifs visant à redresser et renforcer le système d'enseignement supérieur haïtien".
Cette prise de position soulève également des questions sur la capacité de régulation de l'État haïtien dans le secteur éducatif. Avec l'affaiblissement des institutions publiques dû à la crise, la supervision des établissements privés devient plus difficile, créant un terrain propice aux dérives dénoncées.
La VAE, mécanisme légitime de reconnaissance des compétences professionnelles, ne peut selon la loi haïtienne mener qu'à des certifications et formations qualifiantes, mais pas aux diplômes nationaux de niveau supérieur qui requièrent un cursus académique complet.
Cette controverse illustre les tensions entre la demande croissante d'éducation supérieure en Haïti et la capacité limitée du système à fournir des formations de qualité accessibles. Certains établissements tentent apparemment de combler ce vide par des pratiques douteuses.
Pour l'UEH, cette vigilance s'inscrit dans sa "mission de service public" et sa responsabilité de préserver l'intégrité du système universitaire haïtien face aux défis multiples que traverse le pays.